QBio, un centre au cœur d’une révolution scientifique mondiale

Un nouveau centre dédié à la biologie quantitative voit le jour en Europe

Devenir un centre international transdisciplinaire pour comprendre et prévoir l'organisation fondamentale des systèmes vivants ? Telle est la vocation de QBio, écosystème de recherche et de formation de pointe porté par l’ENS-PSL, futur acteur central du prochain PariSanté Campus.
Rencontre avec Massimo Vergassola, le directeur de QBio, pour aborder les nombreux objectifs de ce projet unique et les enjeux contemporains de la biologie quantitative.
Massimo Vergassola © Frédéric Albert
Massimo Vergassola © Frédéric Albert

Plus de soixante ans après la découverte des principaux composants et mécanismes moléculaires, la biologie est entrée dans une nouvelle ère, celle des études quantitatives et de la prédiction pour laquelle les interactions avec d’autres disciplines, comme les mathématiques et l’informatique, sont aujourd’hui cruciales. Les récents succès spectaculaires de la biologie moléculaire, associés aux technologies d’analyse toujours plus puissantes ont révolutionné le paysage scientifique et fait émerger la nécessité d’approches quantitatives multidisciplinaires pour prédire et décrypter les systèmes vivants. « QBio est un projet de centre de recherche et de formation international de pointe qui s’inscrit dans cette révolution scientifique mondiale, en proposant une approche multidisciplinaire et transversale de l’étude des systèmes vivants » explique Massimo Vergassola, son directeur. Après six ans à l’université de Californie à San Diego, ce chercheur au CNRS spécialisé en physique statistique et des systèmes vivants a rejoint l’ENS-PSL en 2019 en tant que professeur et a pris la direction de QBio en 2020.

 

Des technologies et savoirs de pointe pour décrypter les systèmes vivants

Ce futur centre de biologie quantitative, porté par l’ENS-PSL, a pour ambition de se placer à l'avant-garde des changements en cours dans les techniques expérimentales à haut débit, d'imagerie mais aussi de microscopie. « QBio aura ainsi la capacité de compiler et d'analyser efficacement d’immenses quantités de données pour extraire l'information pertinente afin de faciliter le décryptage des systèmes complexes impliqués dans les systèmes vivants », précise Massimo Vergassola.
À l’aide d’outils quantitatifs de haute technologie développés en biologie, physique, chimie, informatique et mathématiques, les chercheurs pourront ainsi explorer le fonctionnement des systèmes biologiques, des atomes et molécules aux cellules, organes et organismes entiers dans une approche intégrant théorie, expérimentation et modélisation.

« Traiter l’énorme quantité de données produites nécessite des méthodes computationnelles de pointe » explique le directeur de QBio. « Les systèmes vivants sont complexes et les interactions entre les différents éléments qui les composent le sont tout autant ». Par conséquent, les interprétations des données récoltées pendant les expérimentations doivent s’accompagner des méthodes quantitatives les plus poussées pour pouvoir comprendre et prédire le comportement et les réponses des systèmes vivants. Et pour Massimo Vergassola, il est « crucial » de relancer l’esprit multidisciplinaire et de l’alimenter par des approches computationnelles, mathématiques et physiques de pointe.

 

Un centre de recherche et d’enseignement

Si les recherches menées au sein de QBio seront principalement fondamentales, elles possèderont aussi un fort potentiel d’application et d’innovation en biomédecine, pouvant par exemple à long terme ouvrir la voie à de nouveaux traitements médicaux. Comme Massimo Vergassola le rappelle avec humour en citant Edouard Brézin, ancien président de l’Académie des Sciences, « l’électricité et les ampoules n’ont pas été inventées en essayant d’améliorer le rendement des chandelles. » Pour appuyer ses propos, le directeur de QBio évoque quelques études fondamentales en cours avec des retombées biomédicales déjà en vue : « il y a par exemple des recherches sur l’immunologie quantitative, qui s’attaquent aux réponses du système immunitaire et la prédiction de la variabilité de leur réponse à des vaccins. D’autres scientifiques travaillent sur la dynamique non linéaire des systèmes excitables, qui, en partant d’aspects de base a contribué aux traitements chirurgicaux d’ablation cardiaque pour soigner des fibrillations auriculaires » détaille-t-il. « On peut aussi parler des études sur les systèmes cognitifs et leurs retombées sur l’apprentissage, ses retards et troubles ; de la dynamique des tissus pour les pansements… À plus ou moins long terme, les bénéfices de la recherche fondamentale pour la recherche appliquée sont sans fin ! »

Au-delà d’être un centre de recherche, QBio est aussi un lieu de formation et d’enseignement de pointe, « des priorités majeures pour ce projet et pour PariSanté Campus » souligne Massimo Vergassola. Parmi les initiatives pédagogiques, la création d’un QLab, un FabLab dédié à la biologie quantitative. Ce lieu offrira une palette d’outils de mesure et de set-ups expérimentaux permettant à des chercheurs de toutes disciplines de découvrir et se former à l’expérimentation en biologie, favorisant l’intégration interdisciplinaire et l’innovation.

Chaque étudiant pourra aussi utiliser le QLab afin de développer ses propres projets, épaulé par un responsable de laboratoire. « Il s’agit d’une initiative que j’ai déjà vue à l’œuvre lorsque j’étais chercheur à l’université de Californie à San Diego, cela a été un grand succès, aussi bien pour les futurs expérimentateurs que pour les théoriciens, qui peuvent toucher de leurs propres mains les objets de leurs réflexions » témoigne avec enthousiasme le scientifique. Un lieu-clé au sein de QBio qui, pour Massimo Vergassola, invitera les futurs étudiants et étudiantes à profiter, s’engager et venir découvrir les enjeux majeurs, la richesse des thématiques et des méthodologies offertes par l’étude des sciences du vivant.
Par ailleurs, la création d’une mineure en biologie quantitative est aussi prévue pour permettre aux étudiants en sciences de garder une formation spécialisée solide, tout en élargissant les possibilités multidisciplinaires. Une liste de cours, existants et nouveaux, sera proposée aux étudiants qui pourront choisir leur parcours à la carte et valider cette mineure.

 

QBio au cœur de PariSanté Campus

Centre de recherche et de formation unique en Europe, QBio est ancré dans le projet PariSanté Campus, annoncé en décembre dernier et qui s’installera à terme sur le futur campus Val-de-Grâce. « La participation à PariSanté Campus est une étape clé du développement de QBio, nous sommes heureux que l’ENS et PSL en fassent partie et bien conscients des enjeux et des atouts du projet » explique Massimo Vergassola. Situé en plein cœur de Paris, sur le site de l’ancien hôpital du Val-de-Grâce, il sera à distance de marche de l’École normale comme d’autres établissements au sein de l’Université PSL, tels que le Collège de France et l’Institut Curie. Il sera aussi tout proche d’autres universités, centres de recherche et incubateurs de start-up. « Les études du vivant seront ainsi couplées aux méthodes numériques et théoriques de pointe que cet environnement permettra de concentrer et d’attirer » ajoute le chercheur. « Les étudiants et les acteurs de la recherche pourront bénéficier de cet environnement unique pour renforcer la place française et européenne dans un domaine clé pour la science comme pour la santé publique. »

Et pour Massimo Vergassola, l’École normale supérieure et PSL sont dans « une position idéale » pour relever les nombreux défis de QBio : « ce sont des établissements qui possèdent une tradition d’excellence scientifique dans les différentes disciplines au cœur de ce projet : biologie, chimie, mathématiques appliquées, physique, sciences cognitives et computationnelles. Leurs étudiants sont munis d’un bagage théorique remarquable, motivés et passionnés par ce qu’ils apprennent » justifie-t-il.

Selon le scientifique, les collaborations déjà établies entre chercheurs de différents départements, l’amorce des programmes de séminaires communs et des initiatives pionnières aux interfaces (comme l’Institut de Convergence Q-Life dans le cadre du Plan d’Investissements d’Avenir (PIA) sont également des éléments catalyseurs importants pour QBio. « C’est d’ailleurs la combinaison de tous ces facteurs qui a motivé ma décision de rejoindre et de m’investir dans ce projet ambitieux » admet volontiers Massimo Vergassola.

 

À propos du projet PariSanté Campus
Imaginé sur le site du Val-de-Grâce, le futur PariSanté Campus sera un instrument destiné à la recherche médicale de très haut niveau en santé numérique, en intégrant la dimension éthique et l’ouverture vers la société.
Un projet, pensé en lien avec la sphère technologique, auquel l’université PSL prend part, et qui mobilisera la communauté de chercheurs de l’ENS-PSL. D’ici la fin de l’année 2021, le projet PariSanté Campus s’installera dans un lieu préfigurateur pour répondre aux besoins déjà existants et renforcer les synergies.

 

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À propos de Massimo Vergassola

Après des études de physique à La Sapienza à Rome, Massimo Vergassola effectue sa thèse à l’Observatoire de la Côte d’Azur avant de rejoindre Princeton au département de mathématiques appliquées comme postdoctorant. Il intègre ensuite le CNRS comme chargé de recherche. Lors de ses deux années à l’université Rockefeller à New York, entre 2001 et 2003, il commence à s’intéresser aux systèmes vivants : « c’est là que j’ai pu voir combien la physique est importante pour la compréhension des systèmes vivants. Regarder un embryon qui se développe et semble miraculeusement générer les différentes parties du corps au bon endroit et au bon moment, ou des insectes de quelques centimètres qui repèrent de faibles sources d’odeurs à des dizaines de mètres en quelques minutes ont alors saisi toute mon attention et continuent à me fasciner. »
De retour en France, il est chef d’unité à l’Institut Pasteur jusqu’en 2013 avant de rejoindre l’université de Californie à San Diego. En 2019, Massimo Vergassola rejoint l’ENS-PSL comme professeur attaché, retrouve le CNRS, et s’apprête à être le premier directeur du centre de recherche et de formation QBio.

Ses recherches récentes portent principalement sur la motilité des organismes vivants et la physique du développement embryonnaire. « Un exemple de travail récent sur la première thématique est comment des animaux comme les chiens, fourmis ou rongeurs, suivent des traces d’odeurs au sol. C’est à la fois important pour la neurobiologie et l’éthologie, ainsi que pour ses applications technologiques aux robots olfactifs. La deuxième de mes thématiques de recherche a pour but de comprendre les mécanismes à la fois physiques et biologiques qui portent d’un embryon initialement non différentié aux structures qui forment le plan du corps adulte. Je m’intéresse particulièrement aux événements au cours des toutes premières heures de vie de la mouche du vinaigre, Drosophila melanogaster. »