La démocratie à l’épreuve de l’urgence
Table-ronde autour de la sortie du livre Urgence (Hermès, CNRS)
Lorsqu’il y a urgence, il n’est plus temps de discuter ni de réfléchir : il faut immédiatement agir. Pourtant, proclamer l’urgence suppose toujours de convaincre que le temps presse et implique l’élaboration d’une réponse collective. Le fonctionnement du champ humanitaire le montre : même face à l’urgence sous sa forme la plus cruciale, on ne peut se passer d’en parler et de délibérer à son propos. Les appels à “l’urgence écologique” ou “démocratique” sonnent souvent comme des incantations qui peinent à produire des effets.
En revanche, les états d’urgence décrétés par les gouvernements sont redoutablement efficaces : ils suspendent les débats et restreignent la délibération collective, au nom d’un impératif supérieur - la sécurité. L’essor de la rhétorique de l’urgence dans le débat public pose donc question : reflète-t-il l’efficacité de ce mode d’action ? Et si l’urgence, outil du pouvoir, fait taire la contestation et empiète sur les libertés, peut-on encore imaginer une action motivée par l’urgence qui ne soit pas une impasse démocratique ?
L’ouvrage collectif Urgence (Hermès, CNRS) esquisse des perspectives critiques non seulement sur la multiplication des pouvoirs d’exception mais aussi sur les usages militants qui reprennent la rhétorique de l’urgence, par exemple sur l’urgence climatique, en reproduisant cette pente autoritaire de manière inefficace et dangereuse à la fois. Il s'agit de se demander si l’urgence n’est qu’un mot du pouvoir, ou si sa proclamation peut aussi constituer un levier de la pensée critique. Le volume s’ouvre sur l’humanitaire, matrice historique et sémantique du concept, puis examine la médecine d’urgence, en analysant comment la gestion managériale de l’hôpital public entre en contradiction avec la temporalité du soin. Il interroge enfin la manière dont l’urgence légitime les pouvoirs d’exception et peut mener à contourner le débat démocratique.
Cette table-ronde réunira les coordinateur·ices du livre, Nicolas Le Merrer (UBO-HCTI) et Marion Pollaert (Centre Jean Pépin), ainsi que la politologue et constitutionnaliste Eugénie Mérieau (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Jamal Abdel Kader psychiatre (film État limite), qui y ont contribué. La discussion à laquelle le public est invité à participer sera animée par Hugo Mosneron Dupin (ED540), qui travaille sur les humanités environnementales et la philosophie de la science économique.
Mis à jour le 20/10/2025
