Le Cycle d’études spatiales

Un séminaire d’élève sur les enjeux liés à l’humanisation de l’espace

Pourquoi et comment réunir les approches des sciences traditionnelles du spatial avec celles des sciences humaines et sociales ? Rencontre avec Alban Guyomarch, normalien en droit et organisateur de ce séminaire à la croisée des disciplines.
cycle études spatiales
Photo : séance 1 du séminaire, avec Roland Lehoucq du CEA (à g.) et Alban Guyomarch (à d.).

L’espace, l’infiniment étendu, représente une nouvelle frontière que l’humanité exploratrice désire dépasser. Sciences, philosophie, imagination, mais aussi économie et législation, ce secteur au carrefour d’enjeux cruciaux, soulève de nombreuses questions.

Ce séminaire du département d'études sociales de l'ENS, bien connu d’un public de fidèles, aborde toutes ces questions en combinant les sciences traditionnelles du spatial avec celles des sciences humaines et sociales et, cette année, plus particulièrement du droit.
Pas étonnant quand on sait que l’organisateur, Alban Guyomarch a commencé ses études juridiques à Toulouse, où il a été baigné par les problématiques de l’aérospatial dès le début de son cursus universitaire. C’est en 2018 qu’il intègre la filière droit de l’ENS avant de succéder en 2019 à Alexandre Bretel (alors mastérien en Sciences et Humanités) pour la coordination du séminaire.
Epaulé par une « formidable équipe interdisciplinaire », il a échafaudé cette année un programme d’une vingtaine de conférences et débats avec pour chaque séance, un tandem science-lettres et étudiant-chercheur. Le but ? Faire dialoguer deux générations du spatial et engager une réflexion avec un public de tous horizons, qu’il soit étudiant, chercheur, auditeur libre… spécialiste du sujet ou non.

 

Une relance de la course à l’espace aux multiples enjeux

Pour Alban Guyomarch, le spatial est en train de devenir un véritable enjeu d’affaires publiques mais aussi de débats ouverts et politiques. « Je parle en tant que juriste. Par conséquent, les enjeux juridiques sont, selon moi, cruciaux. Il en va du modèle d’exploration spatiale que nous souhaitons. »  
Selon l’étudiant en droit, l’arrivée de nouveaux acteurs privés dans le spatial, qui a fait grand bruit dans les médias, n’est pas l’enjeu principal. Le New space1 a des frontières plus que poreuses avec le spatial traditionnel. Et, en tous les cas, les agences spatiales publiques ont toujours recouru aux industries privées dans leur développement. SpaceX2 à titre d’exemple, est surtout financé par la NASA. En revanche, ce qui change fondamentalement, c’est le partage de l’initiative, nuance-t-il : « le privé devient un moteur et non plus seulement un prestataire de commandes. Il a une force de proposition et sait la mettre en avant. »

Il voit cependant dans l’exploration spatiale actuelle une relance de la course à l’espace, qui s’était essoufflée après la chute de l’URSS. « Désormais, le spatial, on le voit, devient un enjeu de nationalisme. Make America great again est aussi un Make Space American again. Le programme spatial indien, est indissociable de la politique nationale de Narendra Modi, l’actuel Premier Ministre. Quant au spatial chinois, avec bientôt, une station spatiale propre, il est clairement ancré dans la politique de rayonnement scientifique du pays. Idem en France, le lancement d’une space army, potentiellement franco-allemande d’ailleurs, est porteur de sens. La course est donc clairement relancée et le champ diversifié. »

Quant aux enjeux scientifiques, ils sont aussi multiples pour Alban Guyomarch. L’un des défis majeurs reste celui de la création de ressources, et surtout d’oxygène, dans l’espace et notamment sur la lune. Même si le développement de nouveaux instruments d’observation prometteurs est en cours, « Une fois acquise la capacité de produire des ressources de base in situ, le développement spatial humain connaitra certainement une accélération de sa course. »
Il temporise toutefois sur le contexte économique et environnemental, qui a beaucoup évolué. A l’époque de la course au spatial de la guerre froide, l’accès au pétrole et au financement, était facilité par une économie en relativement bonne santé. Aujourd’hui, le financement du spatial est une question majeure. « Quant à l’effet sur l’environnement, s’il est sur Terre marginal et que se développe par ailleurs des programmes d’économie circulaire du spatial ; en revanche, dans l’espace, la pollution est déjà un fait inquiétant, et c’est le spatial de demain qui se trouve menacé par les débris spatiaux. »

space missions
Diagramme des missions d'explorations spatiales actives au-delà de l'orbite de la Terre, juin 2019. Source : Wikipedia / Olaf Frohn pour the Planetary Society

L’exploration spatiale, un acte civilisationnel ?

Et si Alban Guyomarch considère le futur plein de promesses mais rempli d’incertitudes, il revient avec enthousiasme sur les événements passés qui l’ont marqué. S’il regrette de ne pas avoir pu assister aux premiers pas de la mission Apollo, il suivit de près la mission Curiosity sur Mars en 2011 et 2012 et celle de la sonde Rosetta sur la comète Tchouri. « Le fait que l’on arrive à poser, à une si grande distance de la terre, un objet fait de la main de l’homme, sur un minuscule corps spatial, relève de l’exploit. J’avais suivi de près et en quasi direct ces deux évènements, déjà, à l’époque, avec beaucoup d’émotion. J’essaie bien sûr de regarder un maximum de live de décollage du CNES/Ariane ou de fusées SpaceX. À chaque fois, quand le lanceur quitte le sol, c’est la même émotion : le sentiment qu’un objet humain quitte la Terre pour le progrès spatial, un acte quasiment civilisationnel. »

Retrouvez tout le programme des conférences du cycle d’Etudes Spatiales de l’ENS.

1Depuis quelques années, les agences spatiales ne sont plus les seules à investir dans ce secteur de pointe. Des centaines d’entreprises privées, américaines pour la plupart, regroupées sous le terme de New Space, se sont spécialisées dans la conquête spatiale.
Source et plus d’informations sur le site du CNES

2SpaceX est la société spatiale d’Elon Musk (aussi président de Telsa) qui réussit son premier vol commercial avec la Falcon Heavy en avril 2019.