David Holcman, lauréat ERC Advanced Grants

L’art de la modélisation dynamique et analyse de données au service de la biologie cellulaire et l’urgence de la crise du Covid-19

Le Conseil européen de la recherche (ERC) a dévoilé le 31 mars 2020 la liste des 185 chercheurs lauréats de l'appel Advanced Grants 2019. Parmi eux, David Holcman, chercheur CNRS à l’IBENS dont les travaux pionniers, sont ainsi salués. Rappelons que ces subventions jusqu’à 2,5 millions d’euros permettent à des scientifiques confirmés de travailler sur un sujet de recherche en rupture.
 
Reconstruction du reseau de l endoplamic reticulum
Reconstruction du réseau de l’endoplamic-reticulum—dans le cas d úne mutation génétique—Données Pr. E. Avezov-Algorithm P. Parutto, ex –etudiant en thèse -Phd2019

David Holcman, chercheur CNRS à l’Institut de Biologie de l’ENS (IBENS - ENS/CNRS/INSERM) est reconnu pour ses travaux dans des domaines émergents aux confins des sciences du vivant et des mathématiques appliquées les plus avancées que sont la biologie computationnelle et la modélisation biologique cellulaire.

Il a notamment introduit et développé la théorie du « petit trou » — pour laquelle il recevra en 2018 le Prix Ananas (équivalent Chinois du IG-Noble). Il a aussi développé des modèles de la réponse des photorécepteurs de la rétine à des photons, introduit des méthodes modernes d’analyse de large données de trajectoires moléculaires en super-résolution en utilisant les processus stochastiques, initié la modélisation du rôle de la géométrie des épines dendritiques, du trafic des récepteurs membranaires, développé une nouvelle théorie des polymères pour étudier l’organisation de l’ADN dans le noyau des cellules, développé la théorie de la redondance et la statistique extrême en biologie et récemment découvert un transport de protéines dans le réticulum endoplasmique qui reflète la topologie nœud-arrête.

À l’ENS-PSL, il dirige un groupe très en pointe, constitué de physiciens, mathématiciens et informaticiens sur les méthodes de calculs, de modélisation-simulations et d’analyse de données pour la biologie cellulaire et moléculaire, et leurs applications médicales.

Un parcours résolument international

David Holcman soutient sa thèse en mathématiques en 1998 à l’Université Pierre et Marie Curie. Puis s’engage dans une « reformation à l’étranger » pour explorer de nouvelles disciplines et de nouvelles pratiques de la recherche. Il s’emploiera à cet exercice, enchainant trois post-doctorats aux quatre coins du globe. Ce virage international débute en Italie, à l'École normale supérieure de Pise, se poursuit à l’Institut Weizmann de Science à Rehovot, en Israël, un centre mondialement reconnu pour ses travaux d'avant garde en neuroscience calculatoire. Dernière étape, UCSF et Berkeley aux États-Unis, où il rejoint le Sloan-center pour les neurosciences et la biophysique à l’Université de Californie. Après avoir été Senior-scientist (Professeur Assistant) au Weizmann Institute dans le département de Mathématiques, et suite à l’attribution des premières chaires d’excellence, David Holcman retourne en France, et obtient en 2005 un poste de directeur de recherche au CNRS.

Déjà en 2007, il reçoit un ERC Starting Grant en mathématiques pour ses recherches sur la modélisation de l’infection virale et la cassure double brin de l’ADN. Et cette même année, après un passage comme « professeur invité » à l’École normale supérieure, il intègre le département de Biologie où il dirige actuellement une équipe de 10 personnes.

Depuis 2015, il est aussi membre du Churchill Collège de Cambridge et visiteur permanent de l’Université de Cambridge. Il a aussi passé 2 ans comme Professeur invité à l’Université d’Oxford en 2016-2017.
 

Le projet OrganellenanoComp

L’ERC Advanced Grant qu’il vient de recevoir permettra de financer le projet OrganellenanoComp. Un acronyme pour qui sait le décomposer dit tout du travail que David Hoclman entreprend avec son équipe : organelle - sous partie de la cellule / nano - nanomètre / comp - computationnelle. Autrement dit, Computational methods and modeling to de cipher organelle nanophysiology.

David Holcman propose d’analyser comment les ions et les molécules circulent à l’intérieur de la cellule pour déchiffrer comment les sous-compartiments de la cellule — les organelles communiquent entre eux pour répondre au besoin et attente de la cellule. L’ambition est de caractériser précisément ces échanges, d’analyser les données associées pour en extraire des grands principes. Un travail mathématiques, de modélisation, de simulations et d’analyse de données combinées. Ce financement de 5 ans est une reconnaissance de plus pour une équipe internationale dont les travaux faisaient en mars dernier la une de la revue scientifique internationale Trends in Neurosience.
 

Des recherches liées au Covid-19

Depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, David Holcman a décidé de faire partie de ceux qui pense pouvoir amener une contribution pour comprendre certain aspect de cette crise. Il a lancé avec Juergen Reingruber et Andrea Papale, membre de l’équipe, des travaux sur un modèle épidémiologique de la propagation de l’épidémie mais aussi un modèle de diffusion du virus en milieu confiné afin de connaitre la probabilité et le temps de transmission avec et sans un masque.

L’objectif du premier projet, basé sur un modèle de taux, est de mettre au service de la gestion de la crise, un modèle avancé de prédiction du déconfinement, intégrant des paramètres aussi divers que le taux d’utilisation d’un anti-viral efficace, la dynamique des places disponibles, une projection d’un nombre de places de réanimation disponibles à un temps, la stratification de la population mais aussi la structure démographique de la population ; élément particulièrement important puisque que les formes les plus sévères du Covid-19 concernent très massivement les plus de 65 ans avec surreprésentation des hommes et de la durée d’immunisation pour les personnes qui auraient rencontrées le virus lors de la première vague de contamination.

Equipe David Holcman
Équipe Holcman 2007- arrivée a l’ENS-PSL : de gauche à droite D. Holcman, G. Malherbe, N. Hoze, T. Lagache, J. Reingruber, S. Vakeroudis

De futurs étudiants-chercheurs face à de nouveaux défis

Quels sont les grands défis de demain en biologie computationnelle et neuroscience quantitative ? David Holcman répond aux étudiants qu’ils devront inventer ou trouver leurs questions de biologie computationnelle, que lui-même ne connaît pas. Ces questions et la mise en place d’outils de modélisation, d’analyse et simulations dépendront des révolutions technologiques du futur qui auront lieu dans les prochaines années, mais aussi de leur mise en contact avec ces questions nouvelles et enfin de leur état d’esprit. Un autre défi ? Définir un lieu dans lequel la nouvelle génération d’étudiants, à travers toutes les disciplines, pourrait se former en complément des structures traditionnelles : « un collège au centre de Paris dans un lieu historique comme le musée Carnavalet serait idéal » indique David Holcman. À lire.

« J'ai trouvé mon chemin à travers des rencontres, en faisant des post-docs dans différentes disciplines, avec un fil directeur ; celui de comprendre le cerveau à partir de l’échelle moléculaire et cellulaire en utilisant au lieu d’un microscope, la théorie, les simulations, la modélisation mathématiques. Le but n’est pas de prouver des théorèmes mais de développer des outils calculatoires, de trouver des motifs cachés dans les grands jeux de données, mais aussi faire des calculs asymptotiques pour dériver les lois du vivant et comprendre comment le monde vivant à l’échelle cellulaire fait ces propres calculs, estimations, approximations avec des molécules. C'est aussi de créer ses propres algorithmes pour effectuer des tâches répétitives et prendre des grandes décisions liées la communication, la reproduction, les changements de formes et les ajustements des fonctions nécessaires à la survie. »