L’art à l’œuvre

Un atelier de médiation au cœur des musées

En collaboration avec de prestigieuses institutions muséales, l’ENS-PSL intègre dans sa formation un atelier transdisciplinaire de médiation autour d’œuvres d’art. Proposé aux normaliens toutes disciplines confondues, il est encadré par une équipe pédagogique interdisciplinaire*. Le confinement a amené les étudiants à réfléchir à de nouvelles formes de médiation. Retour sur un défi inédit qui prend vie grâce au numérique.

* Pauline Guinard, maître de conférences en géographie, Sylvia Estienne, maître de conférences en histoire romaine, Isabelle de Vendeuvre, enseignant-chercheur (République des savoirs / ECLA) et Maïlys Liautard, élève en 5e année (Arts / muséologie et médiation) associée à l’équipe pédagogique.

Paravent à huit panneaux : fleurs et oiseaux "Hwajo-do"
Détails du paravent à huit panneaux : fleurs et oiseaux "Hwajo-do" / Credit : Photo (C) MNAAG, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

Des partenariats forts entre l’École et les musées

Initialement intitulé « De la cour aux Ernest à la Cour carrée du Louvre », cet atelier de médiation est né en 2015 d’un partenariat entre l’ENS-PSL et le musée du Louvre. Une collaboration à l’intersection de deux initiatives créées par le musée dès les années 2000 – Les Jeunes ont la parole ! et La petite galerie, des propositions éducatives et culturelles ayant pour objectif l’ouverture et la rencontre des publics.

Ces initiatives, en adéquation avec le projet de l’École, ont donné lieu à un dispositif pédagogique participatif, permettant aux étudiants de construire des médiations dépassant le simple cadre disciplinaire de l’histoire de l’art. Pour Pauline Guinard, « les savoirs et savoir-faire disciplinaires des étudiants, quelle que soit leur formation, sont ainsi mis au service de l’élaboration de médiations en vue de transmettre non seulement des connaissances sur les œuvres mais aussi des interprétations, des interrogations, des incompréhensions ou bien encore des émotions qu’ils avaient pu eux-mêmes éprouver face aux œuvres exposées. »  

Cette année, un partenariat nouveau a vu le jour entre l’École et le Musée national des Arts asiatiques-Guimet (MNAAG). Un prolongement naturel des échanges déjà entamés dès 2014 avec la conférence sur « Les orients » donnée par Sophie Makariou, présidente du MNAGG à l’occasion de la semaine culturelle « Chine-Corée-Japon » (à écouter sur le site savoirs-ens). Toujours en 2014, la première « Semaine indienne » s’est prolongée par le séminaire « Epopées indiennes » (2015), qui a également mobilisé des ressources scientifiques du MNAAG.

Un échange porteur de sens comme l’explique Isabelle de Vendeuvre. « Je dirais que la collaboration avec le Musée Guimet s’inscrit dans une dynamique plus générale de l’École vers l’Asie, initiée dans les années 2000 par plusieurs programmes d’échange et poursuivie depuis, grâce à des initiatives d’élèves, mais aussi par des projets de formation et de recherche - la mineure Asie orientale co-dirigée par le département ECLA et la Direction des Relations internationales -  et le programme de formation pré-doctorale et de recherche entre le Labex Transfers (aujourd’hui EUR Translitterae) et l’Université Fudan initié par la DRI en 2014. »

L’art à l’œuvre : entre pédagogie participative et interdisciplinarité

Cette approche muséale s’intègre donc en toute logique dans la pédagogie de l’École. L’atelier relève ainsi des enseignements transdisciplinaires qui constituent une des quatre expériences d’ouverture propres à la scolarité du diplôme de l’ENS-PSL. Ouvert à tous et proposé par des enseignants de disciplines variées, il offre une approche originale du monde des musées et invite les étudiants à réfléchir à leurs rapports aux œuvres d’art.

Pour les normaliens, l’objectif principal est de construire une médiation grand public autour d’une œuvre choisie parmi les collections du musée. Le choix de l’œuvre et de la médiation est déterminé par les étudiants qui explorent le travail en binôme tout en étant guidés par l’équipe pédagogique.  « L’atelier ne revêt pas la forme d’un enseignement traditionnel, mais met en valeur les compétences et la sensibilité de chacun. (…) Ils nous surprennent par leur inventivité : chaque session, au printemps, comporte de véritables performances. Le contact direct avec le public les conduit également à s’adapter à des auditoires très variés et constitue pour eux une expérience pédagogique inhabituelle, mais très appréciée. » Sylvia Estienne.
 

Réinventer la médiation : du présentiel au numérique

Confinement oblige, cette année l’atelier a pris une tournure inattendue, qui n’est pas sans poser nombre de questions comme nous l’explique l’équipe. Communication en visio-conférence et perte des éléments non-verbaux de la communication interpersonnelle, importance de la gestion des problématiques techniques et formelles soulevées par le numérique mais aussi impossibilité de réaliser une médiation in situ. Alors comment la médiation numérique tisse-t-elle des liens entre les œuvres et les publics sans présence physique ? La réponse avec les médiations numériques proposées par les étudiants.

Une adaptation à toute épreuve que les professeurs ne manquent pas de souligner. « La polyvalence et l’adaptabilité étant des signes distinctifs des élèves et étudiants de l’École, l’envie de poursuivre le projet a été la plus forte. Le défi a été relevé avec enthousiasme et inventivité : vidéos pédagogiques, ludiques ou poétiques, quiz, escape game, jeux interactifs… Nous avons été épatées par la diversité des solutions proposées par les étudiants, et leur maîtrise des supports techniques. » Ces divers formats numériques, diffusés sur les réseaux sociaux par l’entremise des comptes de l’École et du MNAAG, offriront une visibilité nouvelle. Cette expérience inédite et inopinée permettra sans doute de poser les jalons de l’atelier 2020-2021.

Déjà, l’équipe prend le temps de réfléchir en faisant un retour d’expérience de cette année. La volonté de poursuivre la coopération avec les musées, de renforcer l’aspect transdisciplinaire en accueillant plus de scientifiques mais aussi de développer la place de la recherche sont autant de pistes à creuser.

 


Retour d’expérience.
Léopoldine Bodel, étudiante en master d'histoire transnationale (M1).
 

Léopoldine s’inscrit à cet atelier sur les conseils de Charlotte Guichard, professeur en histoire moderne ayant encadré cet atelier pendant deux ans. Intéressée par les métiers du patrimoine, souhaitant découvrir le musée Guimet et travailler avec des personnes issues de tous les départements de l’ENS-PSL, cette expérience semblait répondre à ses attentes.   
 

Plutôt qu’une œuvre du musée, Léopoldine et son binôme Emma Mangin ont choisi de créer une médiation autour d’un lieu : la bibliothèque du musée, permettant de raconter l’histoire du musée à partir de ce lieu chargé d’histoire où figure le portrait d’Emile Guimet, fondateur du musée.
 

Sous forme d’escape game, les deux étudiantes ont souhaité « penser de façon originale la médiation culturelle et remplir ses fonctions ludique et pédagogique. » Malgré le confinement, elles ont choisi de ne pas modifier la forme de leur médiation passant d’un escape game in situ à un escape game numérique. Pour Léopoldine, « l’énorme point positif de la médiation numérique est qu'elle est durable. En effet, si à l’origine nous devions respecter un format assez concentré de l’escape game pour qu’il puisse être réalisé dans un temps court, cette contrainte n’en était plus une avec le format numérique. Il est ainsi possible pour les joueurs d’y consacrer un après-midi en famille ou de réaliser des énigmes au compte-goutte. Bien sûr, rien ne peut remplacer le contact avec le public et la possibilité pour nous de les voir réaliser cette médiation. »

> Découvrir l'escape game