Un financement de 10 millions d’euros pour le projet « n-Aqua »

Un projet scientifique ambitieux et exemplaire autour du transport quantique dans les fluides ultra-confinés

Créé le
25 octobre 2022
n-Aqua, projet scientifique ambitieux autour du transport quantique dans les fluides ultra-confinés, impliquant notamment Lydéric Bocquet et son équipe, reçoit le soutien financier du Conseil européen de la recherche (ERC). Il porte en germe des potentialités d’applications technologiques majeures, particulièrement dans les champs de la production d’énergie et de la purification de l’eau.
n-Aqua ERC Synergy grant 2022
n-Aqua, ERC Synergy grant 2022

Un projet porteur d'applications majeures

L'eau est généralement décrite comme un liquide transparent défini par sa densité et sa viscosité, dans des conditions de température et de pression données. Cette définition générale ne présume pas de la variabilité du comportement des molécules d’eau à l’échelle quantique. Pourtant, si l'eau est confinée dans l'espace, à des dimensions nanométriques, par exemple dans un nanopore, la description dite « continue » s'effondre et des phénomènes entièrement nouveaux et inconnus jusqu'alors apparaissent. Au-delà, la compréhension de ces phénomènes est essentielle à des applications technologiques majeures, telles que la production d'énergie et la purification de l'eau.

Le projet « n-Aqua » (ERC Synergy Grant 2022) porté par des chercheurs de l'École normale supérieure – PSL (laboratoire de physique de l’ENS), de l'Institut Max Planck pour la recherche sur les polymères à Mayence en Allemagne (MPI-P), ainsi que de l'Université de Cambridge, bénéficie désormais d'un financement de l'UE. Ensemble et pour les six prochaines années, ces trois équipes européennes vont s’attacher à étudier ensemble les propriétés quantiques de l’eau dans le transport à l’échelle nano-métrique.

 

Comprendre le comportement de l'eau confinée à l'échelle nanométrique

Depuis des siècles, les scientifiques étudient les propriétés partiellement anormales de l'eau, ce liquide unique qui fait de la Terre, la planète bleue. Par exemple : le fait que l'eau ait sa plus haute densité à 4 °C ou que les icebergs flottent sur l'eau. Ces théories conventionnelles, largement disponibles, ne suffisent cependant pas à expliquer le comportement de l'« eau nanométrique », c’est-à-dire ce qui se passe lorsque l’eau est fortement confinée, dans un espace à l’échelle de l’angström. Les premières données indiquent qu’à cette échelle et dans ces conditions, l’eau s’écoule différemment et son diagramme de phase – diagramme décrivant ses états agrégés pour des conditions de température et de pression données – se modifie.

Le projet « n-AQUA » désormais soutenu financièrement par l'UE - abréviation de Nanoscale water : A Quantum Understanding of Angstrom-scale transport  (eau à l'échelle nanométrique : compréhension quantique du transport à l'échelle de l'angström) - se concentrera sur l'étude et la compréhension du comportement de l’eau confinée à l'échelle nanométrique.

Les recherches menées conjointement par les équipes du Max Plank Insitute de Mayence, de l’Université de Cambridge et de l’École normale supérieure - PSL conjuguent des expertises de pointe d’équipes scientifiques de premier plan. L’expertise acquise au laboratoire de physique de l’ENS en matière de confinement nanométrique d’un fluide ; la capacité à « voir » le comportement de l’eau à l'aide de spectroscopies avancées développée par l’équipe de Mayence ; et enfin, les compétences en matière de simulations quantiques de l’équipe de Cambridge qui permettra d'obtenir une image globale de l'eau à l'échelle nanométrique.

Une aventure scientifique et un défi technique

Dans les laboratoires de l’École normale supérieure, les travaux conduits par Lydéric Bocquet et de son équipe sur les canaux ultrafins de quelques nanomètres, voire d’angströms d’épaisseur, ont conduit à explorer le transport d’ions dans des structures à deux dimensions, par exemple d’une couche unique de molécules d’eau constituée de nano fentes de Graphene. « La physique en deux dimensions est toujours source de comportements singuliers, voire bizarres … ». Le premier défi à relever consiste à « inventer une boite à outils expérimentale complètement nouvelle permettant de construire des systèmes aux dimensions nanométriques qui utilisent notamment les nouveaux nanomatériaux qui ont émergé depuis dix ans : nanotubes, Graphene… ». Les scientifiques ont également développé des instruments de mesure adaptés et imaginé des techniques de mesure d’écoulement des fluides dans ces canaux. « Cela requiert une précision jamais atteinte », précise Lydéric Bocquet, « c’est une aventure scientifique autant qu’un défi technique ».

Lydéric Bocquet, DR CNRS et Pr. attaché à l'ENS-PSL © Collège de France
Lydéric Bocquet, DR CNRS et Pr. attaché à l'ENS-PSL | © Collège de France

 

Les chercheuses et chercheurs de trois équipes s’attacheront aussi à évaluer, si et comment, le matériau de confinement utilisé affecte les propriétés d'écoulement, par exemple ses propriétés électroniques, ou si le confinement bidimensionnel permet d'obtenir des phases dites superioniques. Ces recherches sur les propriétés de transport de l’eau à l’échelle nanométrique ouvrent des perspectives scientifiques et des applications technologiques décisives, notamment concernant la production d'énergie ou la purification de l'eau.

La dotation Synergy, d’un montant de 10 millions d’Euros, financera ces recherches pendant les six prochaines années.

Pour rappel, cette dotation attribuée par le CER (Conseil européen de la recherche) est explicitement accordée pour la collaboration de plusieurs chercheurs principaux qui « apportent des compétences et des ressources différentes pour aborder des problèmes de recherche ambitieux. » Les évaluateurs européens, dans leur appréciation du projet n-Aqua, ont ainsi estimé : « Il s'agit d'une proposition exemplaire à tous égards ».