Intégrer Normale Sup par l'université : découvrez le Concours normalien étudiant

Témoignage avec deux étudiants, Nelly-Wangue Moussissa et Rayan Safa

Créé le
31 mars 2025
Nelly-Wangue Moussissa et Rayan Safa ont intégré l’ENS-PSL grâce au Concours normalien étudiant (CNE), respectivement au sein du département de Géosciences et au sein du département d'Études Cognitives (DEC). Dans cet entretien croisé, ils nous racontent leurs parcours et témoignent de leur motivation pour tenter et réussir l’ENS par la voie d’accès universitaire.
Rayan Safa et Nelly-Wangue Moussissa
Rayan Safa et Nelly-Wangue Moussissa

Quel a été votre parcours avant d’intégrer l’ENS ? 

Nelly-Wangue Moussissa : J'ai grandi entre Sevran en Seine-Saint-Denis et Vitry-sur-Seine dans le Val-de Marne, c’est là où j’ai fait une partie de ma scolarité, au lycée Adolphe Chérioux. Je suis ensuite passée par la fac, à l’Université Paris Cité (qui inclut la partie formation de l'Institut de Physique du Globe de Paris). J’ai toujours aimé les thèmes qui touchaient aux étoiles, aux planètes … En classe de Terminale, j'ai eu un professeur qui a réussi à me rendre assez fan d'identification de roches et des mesures de masses volumiques ! Mon bac en poche, j'ai candidaté à une formation de Licence en Sciences de la Terre, de l'Environnement et des Planètes à l'Institut de Physique du Globe de Paris ( IPGP ) où j’ai fait plusieurs stages de recherche. C’est d’ailleurs l’un des points, en venant de la fac, qui m'a permis de me distinguer au Concours normalien étudiant : ce sont ces plusieurs expériences de recherche que j'ai pu raconter le jour de l'oral d'admission à l’ENS.

Rayan Safa : Avant mes études supérieures, j'étais à Beyrouth, au Liban, où je suis né et j'ai grandi. Je suis arrivé en France après le bac, en 2021, pour le début de la licence. J'ai eu la chance d'obtenir une bourse du gouvernement français, sur la base de critères académiques et sociaux à la fois, sans quoi je n'aurais pas pu venir en France !
Après le bac, et avant l’ENS, je suis entré en filière Économie, Société, Droit au Cycle Pluridisciplinaire d'Études Supérieures ( CPES ) de l’Université PSL et du lycée Henri IV, une formation en trois ans - à mi-chemin entre la prépa et la fac - par la recherche donnant le grade de licence. Je me suis spécialisé en philosophie en troisième année. La liberté permise par la formation par la recherche m'a donné l'occasion d'explorer la philosophie des sciences cognitives et la philosophie des sciences dans le cadre de plusieurs mini-mémoires. À côté des cours, j'ai eu l’opportunité de réaliser des stages de recherche en psychologie évolutionnaire et en linguistique. L'avantage de passer par la fac, ou par un CPES, c'est qu'en ne préparant pas le concours post-prépa, on a davantage le temps pour apprendre à se connaître, construire son projet, et explorer les domaines qui nous intéressent par des stages, des discussions et des lectures.

 

Pourquoi avez-vous choisi l’ENS ? Et comment avez-vous entendu parler du Concours normalien étudiant ?

Nelly-Wangue Moussissa : Lors de mon stage de recherche en L3, ma tutrice, elle-même normalienne, a pris le temps de m'expliquer la structure de la formation à l’ENS et ce qu'elle pourrait m'apporter, et elle m'a persuadé, au regard de mes ambitions à ce moment-là, qu'intégrer l'ENS par le Concours normalien étudiant serait vraiment une bonne idée.

Rayan Safa : Mon envie d’intégrer le département d’études cognitives de l'ENS est née au lycée, alors que j’étais encore à Beyrouth : j'ai découvert les sciences cognitives en seconde et l'idée de poursuivre dans ce domaine me plaisait. Pendant mes années de lycée, j'ai eu la chance d'avoir une conseillère d’orientation qui m’avait présenté les masters de l'ENS et c'est là que j’ai repéré celui de sciences cognitives. Ce n'est que beaucoup plus tard, pendant ma troisième année de licence que j'ai entendu parler du Concours normalien étudiant, par des enseignantes et enseignants en thèse à l'ENS, qui nous ont motivé à le passer. 

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans ce concours ?

Nelly-Wangue Moussissa : J'ai compris que la formation et le cadre de l'ENS me conviendraient mieux que ce que je connaissais à la fac. D'une part, ma tutrice a été persuasive, et a même pris le temps de me faire venir au département de Géosciences pour me faire discuter avec un professeur.  D’autre part, les professeurs de l'IPGP et ma famille m’ont beaucoup encouragé dans ce projet. Donc en-dehors de la crainte d'être recalée, je n'avais que des feux verts pour me lancer dans ce concours !

Rayan Safa : Après le lycée, ce dont j'étais le plus certain, c'est que je souhaitais absolument poursuivre ma formation à la fois dans les sciences naturelles, dans les humanités et les lettres. Je n’ai jamais voulu me restreindre à un seul champ disciplinaire ou à une seule méthodologie, je pense que les questions qui m'animent s'ancrent mieux dans la réalité lorsqu'elles sont appréhendées de manière pluridisciplinaire.
Quand j'ai appris que le Concours Normalien Étudiant pouvait me permettre de suivre plusieurs cours, et hors de ma discipline, j'ai été très séduit. Parallèlement, j'avais appris que différentes expériences ou projets pouvaient être validés dans le cadre de la préparation au Diplôme de l'ENS (DENS). Par exemple, cette année, et grâce une option de l'ENS, je donne un cours intitulé « Sciences dans la société » dans un lycée à un groupe de terminales : cette expérience me permet de découvrir l'enseignement et d'accompagner des lycéens et lycéennes dans leur parcours. En-dehors des raisons académiques, je savais également que réussir le concours me permettrait de loger en priorité à l'ENS, d'obtenir certains financements de projets dans ma scolarité si je me lance dans des projets académiques ambitieux, ou encore d'obtenir un complément à ma bourse ( merci à la Fondation de l'ENS ! ) me permettant de me consacrer pleinement à mes études et à ma recherche. Étant assez sujet au stress, obtenir le concours me donne également la possibilité de candidater à des contrats de thèse réservés aux normaliennes et normaliens, ce qui me permet de vivre plus sereinement mes années pré-thèses à l'ENS.

Quelle image aviez-vous de l’ENS ?

Nelly-Wangue Moussissa : Mon père m’en avait parlé et j'étais au courant qu'il s'agissait d'une grande École remplie de personnes très brillantes (parmi les professeur.es que j'écoutais souvent à la radio, comme parmi les étudiant.es), mais je ne m'y étais pas projetée avant de commencer à candidater. Et puis je l’avoue : ne venant pas d’un écosystème préparant aux Grandes Écoles, je ne faisais pas très clairement la distinction entre l'ENS, Polytechnique et Centrale !

Rayan Safa : J’avais l’image d’une École où il est bon de faire de la recherche et où la formation académique est excellente. J'étais très loin de me douter de la richesse de la vie associative, de la quantité incroyable d'évènements qui y sont organisés (que ce soit par la direction, les départements ou par ses étudiantes et étudiants), et de la diversité des cours qui y sont proposés. J'ai été très agréablement surpris !

Avez-vous rencontré des difficultés pour candidater ?

Nelly-Wangue Moussissa :  Techniquement non, dans la mesure où les consignes étaient clairement expliquées sur le site du Département Géosciences (que j'ai lu en long et en large en réponse au stress !). Mais la préparation du dossier est tout de même stressante et j’ai beaucoup pensé aux mots que j'utiliserai, aux potentiels éléments de dossier qui pourraient me disqualifier. Je dirais que la seule partie utile de ce stress pré-admissibilité m'a servi de moteur pour écrire ma lettre de motivation. 

Rayan Safa : Je pense que, comme pour beaucoup d'étudiantes et d'étudiants, le stress a été ma plus grande difficulté. En parallèle du concours, je rédigeais mon mémoire de fin de licence, je passais mes examens de fin d'année, et j'ai eu quelques problèmes de santé pendant le semestre. Forcément, quand on est plongé dans les préparations, on se projette dans beaucoup d'avenirs possibles et on n'envisage pas forcément le plus beau des scénarios... Pour traverser cette période un peu stressante, j'ai surtout fait en sorte de bien m'entourer. Partager mes doutes avec mes ami.e.s, ça rassure !

En quelle filière êtes-vous maintenant et comment se passent vos études ?

Nelly-Wangue Moussissa : Je suis restée fidèle aux Géosciences et mes études couvrent encore des sujets pour lesquels j'ai beaucoup de curiosité. Cela fait maintenant trois ans que je suis à l’ENS, et même si cela n’a pas été facile tous les semestres, ils resteront les meilleurs de ma scolarité. Je termine actuellement mon M2 avec un stage de cinq mois pendant lequel j'analyse une grande quantité de données qui montrent par exemple l'évolution dans le temps de la position de certaines stations GPS, ou encore l'évolution du niveau d'eau enregistré dans certains puits situés au beau milieu des États-Unis. L'analyse de ces données a pour but de m'aider à réfléchir à quels paramètres physiques qu’il serait judicieux d'utiliser pour expliquer les observations localisées de déformation de la Terre, causée par la circulation d'eaux souterraines. Ce qui est sympa en Géosciences c'est qu'on peut s'intéresser à des objets de natures très différents ( de l'eau ou du magma par exemple ) avec un socle de connaissances sur les processus physiques qui reste commun : l'année dernière, je m'intéressais par exemple à l'explication de déformation locale causée par l'éruption du volcan Nyiragongo ( RDC ) survenue en 2021.
En arrivant à l'ENS j'avais un intérêt refoulé pour les Humanités et j'ai pu amplement l’explorer grâce à des cours du Département de Philosophie ou du CERES, et en menant quelques projets interdisciplinaires, entre Géosciences et Humanité,  avec d'autres camarades de promo (Volc'ENS, le podcast Enraciner Nos Voix).  À l’ENS, j’ai aussi découvert un tissu associatif très riche ! A présent, je me dirige vers le doctorat et je dois dire que mon parcours à l'ENS a vraiment ancré mon envie de continuer dans la recherche.

Rayan Safa : Je suis actuellement en première année au département d'Études Cognitives, un département hybride entre sciences et humanités. Je suis des cours de philosophie, de neurosciences, de linguistique, de psychologie, ou encore d'informatique. Pour mon master à l'ENS, je réalise un stage en temps partiel, à mi-chemin entre les neurosciences et la philosophie, sur le thème de la cognition du temps. Je m'intéresse à la manière dont nous encodons, conceptualisons, et représentons cette dimension de la réalité dans nos modèles mentaux. Je me penche également sur la manière dont nous l'exploitons dans les simulations que nous sommes capables de produire et de visualiser par la pensée et l'imagination. Je prévois également de faire ma césure de Master l'année prochaine, pour me donner le temps de mûrir mon projet et d'explorer d'autres domaines de recherche. Je travaille en ce moment, avec ma tutrice et mes enseignantes et enseignants, sur un projet de mobilité pour le DENS. J'aimerais, pour le moment, découvrir la recherche clinique. 
En dehors des cours et des stages, depuis que je suis entré à l'ENS, j'ai rencontré des personnes fabuleuses auprès desquelles je m'épanouis au quotidien. J'ai également rejoint l'un des nombreux clubs de danse de l'ENS, dans lequel je passe de merveilleux moments !

Quels conseils donneriez-vous aux futur(e)s étudiant(e)s qui souhaiteraient intégrer l’ENS grâce à ce concours ?

Nelly-Wangue Moussissa : Il faut que vous vous donniez cette chance : vous pouvez bûcher votre dossier, en rêver mais ne renoncez pas à l'envoyer ! Faites-le relire à votre entourage, à un ou deux tuteurs qui ont souvent de bons conseils. Enfin, si vous êtes intimidés par l'ENS en raison de sa démographie, parce que personne n'a l'air de vous y ressembler, que les bâtiments ont un côté monumental, ou que personne dans votre entourage n'a terminé l'université... Sachez que l’on y fait des expériences folles (et également en-dehors des murs de l'École), on y rencontre des ami.es et des enseignant.es exceptionnel.les et ça vaut VRAIMENT le coup de tenter d'être admis.e ! 

Rayan Safa : Premièrement, et c'est probablement le plus important, entourez-vous bien. Parlez à vos ami.e.s de vos rêves, de vos doutes et de vos craintes. Si vous êtes nombreux et nombreuses à candidater à des masters ou à des concours, relisez-vous mutuellement, et surtout soutenez-vous moralement. N'hésitez pas aussi à échanger avec vos professeures et professeurs. 
La veille de mon premier oral, où j'avais choisi de défendre mon projet de recherche pendant huit minutes, je synthétisais et je passais des oraux blancs, en boucle, devant deux de mes proches ami.e.s. Étant donné que les sciences cognitives ne sont pas leur domaine cela m’a confirmé que mon projet et ses enjeux étaient compréhensibles et accessibles.
Enfin, croyez en les questions qui vous intéressent, aussi ambitieuses ou originales qu'elles puissent être, et accordez à vos rêves et à votre projet tout le respect qu'ils méritent !
 

Les épreuves du Concours normal étudiant (CNE) expliquées par Nelly et Rayan

Nelly : « Le concours normalien étudiant se déroule en deux phases : l'admissibilité et l'admission. L'admissibilité, c'est l'envoi de ton dossier au jury d'admissibilité suivi par l'examen de ton dossier par ce jury. Ton dossier est composé principalement de lettres de recommandations, de ta lettre de motivation, et de tes notes !  Quand tu es admissible, tu peux prétendre à être admis définitivement : c'est l'admission. L'épreuve d'admission consiste en un oral où tu es en face des professeurs du département auquel tu candidates. Pendant une dizaine de minutes tu racontes une expérience de recherche à laquelle tu as participé, puis pendant une quinzaine de minutes tu réponds à des questions qui visent à mieux connaître tes motivations, et à quelques questions de connaissances dans ta discipline. »
Rayan : « Pour tous les départements, le concours commence par une phase d’envoi de dossier assez classique. Spécificité néanmoins, pour les départements scientifiques, la lettre de motivation peut faire jusqu'à trois pages, ce qui donne réellement le temps de développer son parcours académique, intellectuel, culturel et personnel, et le projet professionnel ou de recherche lui-même.  Après une première phase d'admissibilité, mon département à l'ENS m'a fait passer un premier oral : pendant huit minutes, j’ai présenté et synthétisé une question qui m'animait, en sciences cognitives, et j’ai argumenté sur la manière dont j'envisagerais de la traiter ; puis, pendant douze minutes, j'ai échangé sur cette présentation avec le jury. Enfin, après une seconde phase d'admissibilité, j'ai dû passer un écrit, qui sert essentiellement d'appui à l'oral qui suit, un oral de motivation plus classique. »