Leveling up : quand le jeu vidéo devient un art ?
Colloque organisé par l'Observatoire des humanités numériques de l’ENS-PSL.
Ce colloque sur le jeu vidéo se propose d'interroger la reconnaissance progressive d’un objet industriel en tant qu’objet d’art, ainsi que ses limites. En effet, l’artification est un processus multiforme qui gagne à être considéré selon une approche interdisciplinaire (Heinich & Shapiro 2012), d’autant plus que l’arrivée d'Internet participe du développement de cette nouvelle industrie numérique. Les joueuses et joueurs, qui sont à la fois spectatrices ou spectateurs et actrices ou acteurs de ces nouvelles œuvres, ont des moyens d’échange et de communication qui dépassent les canaux plus traditionnels - comme les publications de revues. C’est peut-être grâce à ces échanges plus directs entre internautes que le passage à l’art du jeu vidéo paraît se dérouler encore plus rapidement que celui qui s’est appliqué au 7e art, malgré de grandes similarités entre les deux.

Les premières études sur le jeu vidéo débutent dans les années 1980. Ces travaux précurseurs lancent le débat - aujourd’hui dépassé - entre game studies et play studies en cherchant à définir précisément leur objet d’étude. Il faut cependant attendre les années 2000 pour que ce champ de recherche prenne véritablement son essor (Genvo & Philippette 2023). La diversité des projets, qui sont désormais menés dans une grande variété de domaines scientifiques - non seulement dans toutes les sciences humaines et sociales et mais également au-delà -, légitiment les jeux comme objet d’étude académique. Quelques universitaires proposent même d’identifier ces nouveaux médias comme de véritables œuvres d’art (Tavinor 2024). Tout en prenant une place économique de plus en plus importante, les jeux vidéo sont également reconnus dans les discours politiques (Lalu 2018). Ils sont très tôt intégrés dans le périmètre du ministère de la Culture, même si la reconnaissance par le grand public est plus lente (Coville 2017).
L’industrie vidéoludique, qui est présentée aujourd'hui comme la première industrie culturelle sur le plan économique, semble être identifiée comme le “10e art”. Cette appellation, revendiquée dès les années 1990 (Le Diberder 1993), s’est généralisée avec le temps. Mais il y a encore des débats - sans considérer ici les revendications d’autres formes d’expression artistiques comme le graffiti ou le tatouage. Le “10e art” a des contours flous, il pourrait englober, outre les jeux vidéo, l’ensemble des créations numériques artistiques - regroupant ainsi des objets de natures diverses et des pratiques artistiques multiples. De plus, la reconnaissance comme art ne s’applique pas forcément ni à l’ensemble de l'œuvre - elle peut concerner le graphisme et non le gameplay, par exemple, ce qui n’est pas sans poser des casse-têtes juridiques (Brunaux 2024) - ni à l’ensemble des jeux. Certains sont unanimement reconnus comme des œuvres - le jeu Journey (Thatgamecompany, 2012) est souvent cité pour ses qualités artistiques - alors que d’autres sont plutôt considérés comme des produits de grande distribution destinés à faire du profit.
Ce colloque se propose d'interroger cette reconnaissance progressive d’un objet industriel en tant qu’objet d’art, ainsi que ses limites. En effet, l’artification est un processus multiforme qui gagne à être considéré selon une approche interdisciplinaire (Heinich & Shapiro 2012), d’autant plus que l’arrivée d'Internet participe du développement de cette nouvelle industrie numérique. Les joueuses et joueurs, qui sont à la fois spectatrices ou spectateurs et actrices ou acteurs de ces nouvelles œuvres, ont des moyens d’échange et de communication qui dépassent les canaux plus traditionnels - comme les publications de revues. C’est peut-être grâce à ces échanges plus directs entre internautes que le passage à l’art du jeu vidéo paraît se dérouler encore plus rapidement que celui qui s’est appliqué au 7e art, malgré de grandes similarités entre les deux. Afin d’examiner plus finement les différents aspects de cette problématique, ce colloque sera organisé autour de quatre axes :
La patrimonialisation, un premier niveau vers les mondes de l’art ?
L’entrée au musée : un ticket pour la légitimation ?
Les studios indépendants : des jeux d’art et d’essai ?
Totalement art ou art total ?
Programme provisoire
Mardi 13 mai 2025
ENS-PSL, Amphithéâtre Jaurès, 29 rue d’Ulm, 75005 Paris
8h45-9h : Accueil des participants
9h -9h15 : Mot d'accueil de Valérie Theis (Directrice adjointe de l'École normale supérieure pour les Lettres et les Sciences sociales)
L’art est un jeu sérieux
9h15 -9h55 Christophe Carini-Siguret : “Le jeu vidéo n’est pas un art”: chroniques d’une décision “neutre”
9h55 - 10h35 Thomas Luberriaga (Université de Limoges) : De la panique morale à la reconnaissance : discours publics et artification du jeu vidéo en France
10h30 - 10h50 Pause
Ouvrir un nouveau monde
10h50 - 11h20: Discussion avec Alexis Blanchet (Sorbonne nouvelle) : qui accepte de lui donner la réplique ?
11h20 - 12h Marie Beauvalet (BnF) : Regards croisés sur Tron (1982) : construire l’image du jeu vidéo par le film
12h - 13h30 Déjeuner
Le code et la loi
13h30 - 15h15
Maxime Guedj (Faculté de Droit & de Science politique de Reims) : La qualification juridique du jeu vidéo : une reconnaissance partielle de l’art vidéoludique
Clio Vigneron (Centre de Droit des Affaires, Université de Toulouse) : Le jeu vidéo ou l'art de changer de peau : histoire juridique d'un transformiste
Geoffray Brunaux (Faculté de Droit & de Science politique de Reims) : Pixels et droit d’auteur : la variété des batailles juridiques du jeu vidéo
15h15 - 15h30 Pause
Le choix du "bon" jeu
15h30 - 16h10 Boris Krywicki (Traverses, Liège Game Lab ; Université de Liège) : Critique et contexte : La double fonction de la presse vidéoludique dans l’artification des jeux vidéo indépendants
16h50 - 17h30 Maxime Georges Métraux (galerie Hubert Duchemin) et Léa Saint-Raymond (université PSL) : Art ou objet de collection ? Le jeu vidéo dans l’arène des ventes publiques
17h30 - 18h30 Table ronde organisée par Quinapple
Mercredi 14 mai 2025
ENC-PSL, Salle Delisle, 65 rue de Richelieu, 75002 Paris
8h45-9h : Accueil des participants
9h-9h15 : Mot d’accueil
Sauvegarder le jeu vidéo
9h15 -9h45 Jean-Baptiste Clais (musée du Louvre) : La patrimonialisation du jeu vidéo et de l’informatique
9h45 -10h15 Dorian Haudoin (École du Louvre) : La place du musée du jeu vidéo en France - La Cité du Jeu Vidéo à Lyon en 1998
10h15 - 10h30 Pause
10h30- 11h Sarah Ambec (ENC-PSL) : Expérience d'archivage d'un jeu en ligne massivement multijoueur
11h - 11h40 Emmanuelle Bermès et Marina Hervieu (ENC-PSl | BnF) : Le jeu vidéo, un patrimoine sans contenu ?
Le jeu comme objet d’étude
11h40 - 12h20 Sébastien Genvo (université de Lorraine) : Instituer le jeu vidéo comme forme d’expression légitime : comment penser l’art au prisme du jeu
12h20 - 14h Déjeuner
14h-14h40 Pierre-Yves Hurel (Liège Gamelab) : Contre l'artification : éloge des jeux vidéo médiocres
14h40 - 15h20 Romain Vincent (Université Sorbonne Paris Nord) : Étudier les jeux vidéo comme un art à l’école : une pratique socialement située
Art total ou totalement art ?
15h20 -15h50 William Besserer (Bnf/ Conservatoire) : Le jeu vidéo, une nouvelle forme d’« œuvre d’art totale » ?
15h50 - 16h10 Pause
1610 -16h50 Sébastien Bontemps (musée de l'armée) : L’expérience vidéoludique est-elle une expérience artistique ? Logique visuelle du jeu et agentivité du joueur
16h50 -17h30 Natalie Berkman (Quest Education Group) : Detroit : Become Human. L’art total à travers les narrations arborescentes
17h30- 18h10 Cyril Crignon et Marie Lelouche (École supérieure d’art | Dunkerque-Tourcoing) : Le Quasi-Things Simulator : pour une atmosphérologie du jeu vidéo
18h10-18h20 Mot de clôture
Mis à jour le 7/4/2025