« Démocratiser les cultures antiques à l’école dans tous les milieux et dans toutes les régions »
L’aventure pédagogique de l’association Journées Découvrir l'Antiquité (ENS-PSL)
Depuis 2011, l'association Journées Découvrir l’Antiquité de l’ENS-PSL organise et accueille chaque année plus de 350 collégiens et lycéens pour des journées/ateliers autour d’un thème de l'Antiquité.
Très active et engagée, l’association œuvre pour encourager à l’étude de la culture antique et promouvoir l’enseignement des langues anciennes auprès des plus jeunes, en donnant la priorité aux établissements classés REP ou REP+.
Rencontre avec l'équipe actuelle de l’association, animée par la volonté de transmettre et de démocratiser les langues et les cultures antiques.
Vous êtes les six responsables de l’association « Journées Découvrir l’Antiquité », en quoi votre parcours vous a-t-il conduit à cet engagement associatif ?
Durant nos études, nous avons fait le constat d’un désintérêt croissant des élèves pour les langues anciennes, ainsi que des difficultés des professeur·e·s à faire vivre les options et spécialités en langues et cultures antiques, mais surtout des inégalités d’accès à ces disciplines en fonction des établissements. Nous sommes donc convaincues de la nécessité d’apporter un vent de nouveauté aux lettres classiques, et de les rendre accessibles à tous les publics. De plus, la plupart d’entre nous se destine à l’enseignement des langues et cultures anciennes, dans le secondaire ou dans le supérieur, ce qui nous a fait nous tourner tout naturellement vers une association qui offre la possibilité de partager notre passion aux plus jeunes.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’association et quelle en est son origine ?
Les « Journées Découvrir l’Antiquité » sont une association de vulgarisation des cultures antiques, avant tout à destination des élèves du secondaire, même si la diversification de nos activités ces dernières années est allée de pair avec un élargissement de notre public, à des élèves de primaire ou à des familles par exemple. Les premières « Journées » visant à faire découvrir l’Antiquité de façon ludique à des collégien·ne·s et lycéen·ne·s ont été organisées à l’ENS en 2008, par des étudiant·e·s du département des Sciences de l’Antiquité, et portaient sur Homère, ainsi que sur la tragédie et la comédie antiques. L’association, domiciliée à l’ENS, a quant à elle été créée en 2011, et a diversifié chaque année un peu plus son champ d’action, que ce soit en accueillant des intervenant·e·s issus d’autres écoles et universités (Paris IV, Paris I, Nanterre, EHESS, EPHE…), en proposant de nouveaux types d’événements ou en élargissant les thèmes sur lesquels portaient les « Journées » d’origine.
Quel est l’objectif de cette association et quelles en sont les principales actions ?
L’objectif de notre association est de transmettre notre passion pour l’Antiquité aux plus jeunes, en rendant les cultures antiques plus actuelles et plus ludiques que dans le cadre scolaire traditionnel, et surtout accessibles au plus grand nombre : par exemple, lorsque nous sélectionnons les classes qui participeront à nos activités, nous accordons la priorité aux établissements classés REP ou REP+.
Nos actions se déclinent en deux pans principaux, les « Journées » et les « Horizons Antiques ». Les Journées, qui ont lieu en novembre directement dans les établissements scolaires, en mars à l’ENS, et en mai/juin au Pont du Gard, proposent aux collégien·ne·s et lycéen·ne·s des ateliers, des conférences et des jeux autour d’un thème central. Cette année, les Journées de novembre ont porté sur le voyage et sur le sport, celles de mars sur la magie, sur les peuples « barbares », sur les sciences et sur la pratique antique de la lecture et de l’écriture. Quant à la Journée au Pont du Gard, organisée en partenariat avec le musée et les guides du site, elle porte toujours sur le thème de l’eau. D’autre part, les « Horizons Antiques » sont des interventions d’une heure ou deux réalisées dans des classes de toute la France, sur des sujets proposés par nos bénévoles et choisis par les professeur·e·s via notre site internet.
Que désigne et recouvre le terme « antique » ?
Les thèmes que recouvrent nos activités sont très vastes, que ce soit d’un point de vue chronologique ou d’un point de vue géographique. À travers nos Journées et nos Horizons, les élèves peuvent découvrir des inscriptions datant de l’âge du bronze comme des auteurs ayant connu la chute de l’Empire romain, en passant par des textes de l’Athènes classique, de la période hellénistique, ou de l’époque républicaine puis impériale romaine. Au-delà des bornes chronologiques de l’Antiquité à proprement parler, nous proposons également aux élèves de réfléchir sur la réception des mondes antiques tout au long de l’histoire, du Moyen Âge à nos jours. Nous nous efforçons enfin de sortir de Grèce et d’Italie pour intéresser les élèves à d’autres régions, à d’autres cultures et à d’autres langues : la Journée sur les peuples dits « barbares » a par exemple permis aux lycéen·ne·s de rencontrer des Germains, des Perses, des Huns ou des Gaulois ; des Journées entièrement dédiées à l’Égypte ou à la Perse ont également déjà été organisées. Nous comprenons donc l’Antiquité au sens large, et non comme une période qui se limiterait aux auteurs classiques de la Grèce et de Rome.
À l’ENS-PSL, les humanités classiques gardent une place centrale. Pourquoi est-il toujours aussi important d'apprendre le latin et le grec ? Comment intéresser la jeunesse aux langues anciennes ?
Il est selon nous important de continuer à enseigner le latin et le grec, d’abord parce que ces langues permettent de comprendre l’histoire et le fonctionnement de nos langues actuelles pour mieux les maîtriser, et donnent accès à tout un pan de l’histoire et de la culture occidentale, dont l’étude apporte des clefs pour la compréhension de notre société contemporaine. Ensuite et surtout, nous considérons que la perte de vitesse des langues et cultures anciennes dans le secondaire s’inscrit plus globalement dans le recul croissant de la place des humanités dans le cursus des élèves, la question de « l’utilité » de ces disciplines dans nos sociétés modernes étant constamment soulevée. Démocratiser ces enseignements à l’école dans tous les milieux et dans toutes les régions, c’est aussi garantir qu’ils ne deviennent pas le monopole d’un cercle universitaire parisien, et à terme un moyen de distinction culturelle et sociale plutôt qu’un champ de recherche foisonnant. Notre engagement dans l’association n’a fait que confirmer cette conviction, puisque de manière générale, les élèves se montrent curieux·ses de découvrir et d’apprendre de nouvelles choses dans un cadre qui sort de l’ordinaire. Nous nous efforçons également de leur montrer à quel point les problématiques soulevées par nos disciplines sont toujours d’actualité : des thèmes comme le sport ou le voyage suscitent chez les élèves un sentiment d’identification avec des personnes ayant vécu plus de deux mille ans avant eux, et des sujets comme la place des femmes dans la société, le rapport des humains à la nature ou les relations entre les peuples sont des questions qui animent nos sociétés, mais qui passionnaient déjà les auteurs antiques.
Quels sont les principaux projets de l’association pour l’année à venir ?
Outre nos activités habituelles, nous proposerons en septembre prochain à la mairie du Ve arrondissement de Paris une conférence sur les femmes dans l’Antiquité à destination des familles, dans le cadre du cycle de conférences Odysseum, issu du partenariat entre l’ENS et la mairie. Nous participerons également, pour la deuxième année consécutive, à la Fête de la Science à l’ENS, qui aura lieu en octobre sur le thème « Intelligence(s) » : nous y proposerons à nouveaux des activités ludiques, à destination des familles également. Enfin, nous réfléchissons à une série de capsules vidéo à diffuser sur notre site internet et nos réseaux sociaux, qui reprendrait le contenu de nos ateliers et conférences. Ces nouveaux projets font partie de notre effort pour élargir les publics que nous touchons.
Quelles sont vos plus grandes satisfactions dans l’organisation et la réception de cet engagement associatif ?
Nous sommes toujours ravies de voir l’enthousiasme et l’énergie que les élèves mettent dans la participation à nos activités. Concernant les plus jeunes, la curiosité et le plaisir de la découverte que l’on peut déceler dans leurs yeux nous encourage à réitérer notre engagement, et concernant les plus âgés, celles et ceux qui viennent nous poser des questions sur les possibilités de continuer le latin et le grec dans le supérieur, pour peut-être en faire leur métier, nous confortent dans la conviction que notre démarche n’est pas vaine, et qu’il est toujours possible d’amener les adolescent·e·s à étudier les langues et cultures antiques. Enfin, les lettres de remerciements que nous recevons, comme celles de la Journée « Lire et Écrire » cette année, sont toujours une magnifique récompense pour l’engagement des intervenant·e·s, qui travaillent pendant plusieurs mois à l’organisation de nos différentes activités.
