Conférences Odysseum : « Les Anciens ont trouvé des solutions de résilience auxquelles il est toujours utile de réfléchir»
Un partenariat entre l’ENS et la Mairie du Ve arrondissement de Paris pour faire connaître les recherches menées à l'ENS
Un nouveau cycle de conférences de l’ENS, nommé Odysseum, propose de faire découvrir des recherches nouvelles, récemment publiées ou en cours de publication, sur certains récits, objets ou sites fascinants.
Le premier mardi de chaque mois, à 18h, dans la salle Agora Jacqueline de Romilly de la Mairie du Ve arrondissement de Paris, des chercheurs et des enseignants-chercheurs en Sciences de l'Antiquité présentent leurs travaux récents, en lien avec les mondes anciens et avec Paris, et répondent aux questions du grand public.
Entretien avec Anca Dan, historienne et archéologue au laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident de l’ENS-PSL, et responsable du cycle Odysseum.

Comment sont choisis les thèmes pour ces conférences ?
Anca Dan : Odysseum est le nom latin d'un site pédagogique créé par le Ministère de l'Education pour accompagner les enseignants et leurs élèves dans leur découverte de l'Antiquité classique. Grâce au programme « Humanités dans le texte » désormais soutenu par la Fondation de l'ENS, l’École poursuit cet engagement public en faveur des lettres classiques. Il ne s'agit pas de les "défendre" (car elles se portent bien depuis des millénaires), mais d'expliquer le modèle antique des savoirs, des valeurs et des institutions actuelles. Pour pouvoir juger et comprendre, il faut toujours vérifier les sources dans leurs langues d'origine. Ces langues sont enseignées et étudiées à l’École.
Le programme "Humanités dans le texte" comprend une bibliothèque de modules pédagogiques présentés lors des journées annuelles "Humanités dans le texte" (le premier mercredi de décembre) ainsi qu'un atelier ouvert aux élèves, aux étudiants, aux enseignants et aux chercheurs qui créent les modules à l'ENS. En y ajoutant ce nouveau cycle de conférences, nous sortons des bâtiments de la rue d'Ulm pour aller sur l'"Agora" de la Mairie, et nous nous adressons au grand public, qu'on embarque dans nos voyages intellectuels, entre Paris et les mondes anciens.
Outres les conférences mensuelles Odysseum, nous intervenons dans le festival littéraire « Quartier du livre » ou encore pour organiser des ateliers "Découvrir l'Antiquité", avec l'association normalienne qui organise déjà les Journées Découvrir l'Antiquité .
Pendant le festival « Quartier du livre », consacré cette année au thème « Où va le monde ? », l'ENS intervient deux fois : le 3 juin à 18h, dans la salle Pierrotet de la Mairie du Ve arrondissement, je vais parler avec Violaine Sebillotte Cuchet des origines de l'Europe . Le 10 juin, à 18h30, l'ENS et la revue Grand Continent organisent entre les murs de l'ENS un débat avec Jean Pierre Raffarin et Frédéric Worms sur le devenir du monde. Cet événement montre encore qu'à l'ENS l'étude du passé va de pair avec la réflexion sur un avenir démocratique.
À l’ENS-PSL, les humanités classiques gardent une place centrale. Pourquoi est-il toujours aussi important d'apprendre le latin et le grec ?
Anca Dan : Les sciences de l'Antiquité se sont développées entre le XVIIIe et le XIXe siècle, comme des outils pour la construction des nations. Aujourd'hui, nous savons que l'Antiquité que nous reconstituions à partir des textes, des œuvres d'art et des fouilles n'est pas la racine directe de notre civilisation. L'histoire est faite de continuités et discontinuités et les Antiquités ne sont que des repères d'un passé supposé figé mais qui n'a jamais cessé d'être réinventé et de façonner les sociétés historiques. Contribuer à la reconstitution de ce passé et à l'étude de ses réceptions exige des compétences linguistiques et littéraires solides. Lors des concours, les langues anciennes permettent une sélection objective, surtout que les épreuves et les enseignements ont été adaptés pour permettre l'accueil de tous les étudiants, même s'ils n'ont pu étudier les langues anciennes avant les classes préparatoires. Comme les mathématiques pour les scientifiques, le latin, le grec mais aussi les langues anciennes de l'Orient offrent des clés pour la compréhension des mondes : notre société a besoin non seulement du plus grand nombre de personnes qui détiennent ces clés, mais aussi de normaliens qui les enseignent, au service de la démocratie et de la liberté.
En quoi les récits sur l’Antiquité peuvent-ils nous éclairer sur les questions actuelles et nous aider à comprendre le temps présent ?
Anca Dan : L'étude de nos antiquités méditerranéennes s'élargit vers de nouveaux horizons, par la comparaison avec les anciennes civilisations de la Chine, de l'Inde, des Amériques et de l'Afrique. À chaque fois, cette recherche nous oblige à réfléchir à nos choix de sociétés : comprendre comment nous nous identifions en tant que groupe ethnique ou social, comment nous fabriquons nos savoirs et nos opinions, comment nous avons façonné l'environnement et de quels spasmes est né le monde globalisé dans lequel nous vivons. Certes, les enjeux actuels sont sans précédent : les Classiques n'ont fait face ni à un réchauffement climatique amplifié par la pollution industrielle, ni à des technologies comme l'intelligence artificielle ou la bombe atomique. Mais, à l'échelle de leurs sociétés, ils ont trouvé des solutions de résilience auxquelles il est toujours utile de réfléchir.

À propos des Conférences Odysseum
Ces conférences s'inscrivent dans la continuité du programme ENS Odysseum - Humanités dans le texte, par lequel l'ENS agit en faveur de l'enseignement des langues anciennes, à travers des podcasts, des vidéos et d'une bibliothèque de modules pédagogiques interdisciplinaires, destinés à tous ceux qui veulent découvrir les implications actuelles des textes anciens.
Florence Berthout, maire du Ve arrondissement, Frédéric Worms et Valérie Theis à la direction de l'ENS, ont souhaité proposer ce cycle de conférences dans la salle « Agora Jacqueline de Romilly », du nom de l’illustre normalienne et helléniste, à la Mairie du Ve arrondissement de Paris.
Lors de ces conférences, les chercheurs et enseignants-chercheurs présentent au public les résultats de recherches récentes, menées au Département des Sciences de l'Antiquité et au laboratoire d'Archéologie et Philologie d'Orient et d'Occident.
Certaines conférences sont suivies par une séance de dédicaces des livres mis en vente par un libraire du Ve arrondissement. Si les livres et articles s'adressent à des spécialistes, et parfois dans des langues étrangères, les conférences sont, elles, en français et accessibles à tout public.