« Les humanités classiques gardent une place centrale à l'ENS-PSL »

Par Valérie Theis, directrice adjointe Lettres et sciences sociales à l'ENS-PSL

Créé le
29 novembre 2023
Parce qu’elles abordent des questions qui se posent à toutes et tous, l’ENS-PSL souhaite continuer à assurer l’avenir des humanités classiques, des disciplines fondamentales pour la recherche, pour la culture et pour la société.
Ce soutien se manifeste par des initiatives concrètes, qui réaffirment leur rôle majeur dans la formation des élèves.
Légende: Fragment de mosaïque d'Autun (IIe-IIIe siècle, actuellement au Musée Rolin) représentant le philosophe épicurien Métrodore de Lampsaque en train de réfléchir à la Sentence Vaticane 14 (cf. le manuscrit Vaticanus Graecus 1950) © Wikimedia Commons
Fragment de mosaïque d'Autun (IIe-IIIe siècle, actuellement au Musée Rolin) représentant le philosophe épicurien Métrodore de Lampsaque en train de réfléchir à la Sentence Vaticane 14 (1) © Wikimedia Commons

Actualité des humanités classiques à l'ENS-PSL

Par Valérie Theis, directrice adjointe Lettres et sciences sociales à l'ENS-PSL

Les humanités classiques sont au cœur de l’histoire de l’École normale supérieure et gardent actuellement une place centrale dans nombre de ses départements littéraires, ce qui est très spécifique dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche français et international.

En effet, alors que la culture classique et les compétences en grec et en latin ont longtemps été utilisées comme un outil de sélection des étudiants littéraires, à l’image des mathématiques pour les scientifiques, ce qui allait de pair avec la possibilité offerte à la plupart des élèves d’entamer un apprentissage de ces langues dès leurs années dans le secondaire, ces disciplines sont aujourd’hui amenées à jouer un tout autre rôle dans notre société. Elles se trouvent assurément dans une position fragile, comme en témoigne la reconnaissance, en juin 2023, des études gréco-latines comme « discipline rare » par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

À l’ENS-PSL, nous pensons cependant qu’elles ont du même coup l’occasion de cesser d’être vues comme des moyens pour s’affirmer, plus que jamais, comme des fins, c’est-à-dire des disciplines qui méritent d’être abordées pour elles-mêmes. Une large part de la production intellectuelle mondiale s’est en effet construite, dans la très longue durée, dans un dialogue avec les écrits grecs et latins. Ces textes nous ont montré, et continuent à nous montrer, que les humanités classiques n'appartiennent ni à la vieille Europe, ni à des milieux sociaux spécifiques, mais constituent un substrat culturel qui a vocation à être partagé et discuté très largement, parce qu’il aborde des questions qui se posent à toutes et tous et qu’il est indispensable à quiconque veut comprendre les chemins parcourus par les auteurs qui sont au cœur du présent.

Notre mission, à l’ENS-PSL comme à tous les niveaux de l’enseignement, consiste ainsi à faire connaître aux élèves tout le bénéfice qu’ils pourront trouver dans la découverte des humanités classiques pour leur formation et leur travail, mais aussi dans la vie individuelle et collective. C’est dans cet esprit que l’action de l’École se déploie actuellement dans différentes directions, qui visent non seulement à défendre les humanités classiques, mais aussi à les faire découvrir, aimer et à les développer.

Prenant acte du fait que de plus en plus d’élèves commencent l’apprentissage des langues anciennes après le lycée, l’ENS-PSL a choisi, plutôt que de remettre en cause la présence du latin et du grec au tronc commun du concours A/L, de proposer à ces élèves une nouvelle épreuve, qui sera inaugurée lors de la session 2024 du concours. Intitulée « Textes antiques », elle propose aux candidats de commenter, en s’appuyant sur leur connaissance de la langue, un texte soumis en version bilingue, avant de réaliser, à partir d’un autre court texte, une version accessible à toutes celles et ceux qui commencent l’apprentissage des langues anciennes après le baccalauréat. Elle a ainsi le triple bénéfice d’élargir la palette des textes à commenter – la barrière du niveau de langue n’entrant plus en ligne de compte pour les choisir –, de faire réfléchir à ce que signifie traduire, et de réaffirmer l’importance du grec et du latin, sans quoi la version ne pourrait être menée à bien.

Les objectifs de cette épreuve se retrouvent dans le programme des « Humanités dans le texte », désormais coordonné avec une grande efficacité par Anca Dan et qui a bénéficié d’un fort soutien de l’Inspection générale, notamment grâce à l’investissement de David Bauduin. Ce programme est ainsi l’occasion d’une coopération inédite entre l’ENS-PSL, le Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et les associations d’enseignants de Lettres classiques et il donnera prochainement lieu à d’autres partenariats. Les dossiers, réalisés avec un très haut niveau d’exigence par les collègues qui participent à ce programme, présentent des textes grecs et latins de tous horizons et de toutes périodes, commentés par des chercheuses et chercheurs de toutes les disciplines. Ils permettent de découvrir la richesse des écrits produits dans ces deux langues, mais aussi de réfléchir aux bienfaits et aux limites des traductions, qui ne peuvent jamais complètement remplacer l’accès au texte original. Cette prise de conscience est essentielle pour la formation de toutes les chercheuses et chercheurs : toutes et tous n’ont pas vocation à être capables de traduire des textes classiques qui sont parfois d’une grande complexité, mais toutes et tous doivent pouvoir comprendre les choix de traduction qui ont été effectués, et connaître le contexte spécifique de production de ces textes, pour en maîtriser pleinement les subtilités et en faire usage à bon escient dans le cadre de leurs travaux.

Le soutien réaffirmé de l’École aux humanités classiques est ainsi fondé sur la certitude qu’elles sont et resteront indispensables à toutes les chercheuses et à tous les chercheurs, aussi bien pour leurs contenus que pour les apports méthodologiques auxquels leur étude donne lieu. Il n’a donc rien de passéiste. Il s’agit plutôt de participer, à notre niveau, à assurer l’avenir de disciplines dont nous estimons qu’elles sont fondamentales pour la recherche, pour la culture et pour la société.

 


 

Note de la légende :

(1) La Mosaïque des auteurs grecs d'Autun - Un témoignage de la culture grecque en Gaule