Séries télévisées : complexification des récits

Séminaire « Recherches contemporaines en narratologie » 2025-2026

Les années 2000 ont vu émerger un nouveau paradigme narratif : la « télévision complexe » décrite par Jason Mittell en 2015 dans Complex TV: The Poetics of Contemporary Television Storytelling, et caractérisée par le développement d’intrigues non linéaires, de narrations fragmentées, de personnages ambivalents et par la forte implication des spectateurs dans la construction du récit. Depuis 2015, cette tendance s’est accentuée au point de faire de la complication du récit un trait nettement reconnaissable de la production télévisuelle occidentale contemporaine.

Le séminaire « Recherches contemporaines en narratologie » propose d’explorer cette évolution, notamment dans les dix dernières années, marquées par non seulement par la richesse des univers fictionnels développés sur ces supports, mais aussi par la domination des plateformes de streaming dans la production globale des fictions, par la diversification qui en résulte dans les modes de  consommation du récit, et par la circulation mondiale des œuvres. 


 

On interrogera notamment l’héritage dans ces développements des expérimentations propres au récit littéraire d’un côté, et au cinéma de l’autre, en explorant la manière dont les séries reprennent et transforment des techniques narratives pré- ou post-modernes (mise en abyme, multiplication des points de vue, jeux sur la temporalité, brouillage entre fiction et métadiscours) et en inventent d’autres, propres cette fois aux nouveaux modes de diffusion et de circulation des récits. Dans quelle mesure des séries comme Dark, Severance, The OA, Black Mirror ou Mr. Robot reprennent-elles les procédés narratifs du roman polyphonique, du récit spéculaire, de la metafiction à la Borges ou du « cinéma complexe » des années 1990 à nos jours (C. Nolan, D. Lynch) ? Par ailleurs, quel effet ont eu ces reprises sur la littérature contemporaine, en Europe et aux États-Unis ? Y a-t-il convergence, ou au contraire séparation croissante des formes télévisuelles et littéraires dans la construction de mondes complexes ? Cette densification du récit engage-t-elle un approfondissement sémantique des œuvres, ou se fait-elle au détriment de la portée du récit ? Enfin, jusqu’où la complexification des intrigues peut-elle aller sans mettre la série au risque de perdre son public ? Le séminaire croisera les apports de la narratologie avec ceux de l’analyse des phénomènes médiatiques et des textes littéraires pour proposer une lecture transversale de cette complexification du récit sériel.

Programme

Mardi 7 octobre
Jason MITTELL (Middlebury College)
« Complex TV, Continued (with a Gap) »

Mardi 21 octobre
Anne DUPRAT (Université de Picardie-Jules Vernes/IUF)
« La fiction néo-historique (2015-2025) à l’épreuve du format sériel »

Mardi 4 novembre
Florent FAVARD (Université de Lorraine)
« Granularité du récit et granularité du monde en régimes sériels audiovisuels »

Mardi 18 novembre
Sarah SEPULCHRE (Université de Louvain-la-Neuve)
« Simplification mais complexification. Stéréotypes mais densité. Les riches paradoxes des personnages de séries et leurs systèmes »

Mardi 2 décembre
Ariane HUDELET (Université Paris Cité)
« Pouvoir et contrôle du récit : séries télé et ultrariches. L’exemple de Succession (HBO, 2018-2023) »

Mardi 16 décembre
François JOST (Université Sorbonne Nouvelle)
« Métamorphoses du spectateur artiste. Récit dysnarratif, récit transmédiatique, récit interactif »

Mardi 20 janvier
Claire CORNILLON (Nîmes Université)
« Complexités des formes sérielles : le cas du semi-feuilletonnant formulaire »

Mardi 3 février
Guillaume SOULEZ (Sorbonne Nouvelle)
« La complexité relève-t-elle de la structure ou de la matrice sérielle ? »

Mardi 17 février
Alexandre GEFEN (CNRS-Université Paris 3-Sorbonne nouvelle-ENS)
« Temps de la politique et politique du temps dans Baron noir »

Mardi 17 mars : table ronde
Marco CARACCIOLO (Université de Gand)
Marina GRISHAKOVA (Université de Tartu)
John PIER (Université de Tours et CRAL)
« Complexity, Narrativity, Seriality »

Mardi 31 mars
Jérémy MICHOT (Université de Tours)
Anaïs GOUDMAND (Sorbonne Université)
« Oubli, mémoire, et nostalgie : complexité musiconarrative dans Doctor Who et Severance »

Mardi 7 avril
Olivier CAÏRA (IUT Evry et EHESS)
« “If You Don’t Like My Story, Write Your Own” : réécriture et complexification dans Watchmen »
 

Mis à jour le 3/12/2025