Bienvenue à David Bell
	
			
            Professeur invité au département d'histoire 
      
		
		
	
			En février 2025, le département d'histoire de l'ENS accueillera David Bell, professeur d'histoire moderne spécialiste des Lumières et de la Révolution à l'université Princeton.
David Bell est professeur d'histoire moderne, spécialiste des Lumières et de la Révolution. Il interviendra sur son nouveau projet sur la Terreur, mais aussi sur la manière dont on enseigne les Lumières aux États-Unis.
TROIS QUESTIONS À DAVID BELL
Par Stéphane Van Damme, directeur du département d'histoire de l'ENS
Vous êtes un grand spécialiste de l'histoire du XVIIIe siècle et de la Révolution, pourriez-nous nous dire sur quel projet allez-vous travailler lors de votre séjour à l'ENS ? Une nouvelle histoire de la Terreur ? 
David Bell : Mes recherches principales en ce moment portent sur l’histoire des Lumières. La conférence que je vais donner sur la Terreur analysera comment les significations du mot « terreur » évoluèrent au cours du dix-huitième siècle. Cela dit, je suis également en train d’écrire un article de synthèse sur l’historiographie récente de la Terreur, et la conférence me donnera l’occasion de présenter quelques idées à ce sujet. La Terreur a-t-elle eu lieu? Les historiens ne sont pas d’accord !
Vous avez été un des historiens les plus lucides sur le tournant global de l'histoire moderne, à ce propos, votre première conférence portera sur une perspective transnationale du charisme politique, comment voyez-vous l'évolution de l'histoire transnationale et globale aujourd'hui ? 
David Bell : À mon avis, le glissement récent, dans l’histoire transnationale et globale, vers un engagement approfondi avec l’économie politique s’avère très fructueux. Pendant longtemps, les travaux les plus en vue se sont consacrés principalement à la démonstration des influences réciproques, par exemple entre colonies et métropoles, et à l’illustration de celles-ci dans des microhistoires, sans prêter suffisamment d’attention au cadre explicatif. Les recherches plus récentes remédient à cette lacune. Je pense, par exemple, aux nouvelles histoires du capitalisme publiées cette année par Arnaud Orain et par Sven Beckert. Cela dit, la conférence que je vais donner prendra une autre direction, et montrera comment les contacts transnationaux ont contribué à la construction de ce que j’ai appelé, dans un livre récent, le « culte des chefs » dans les révolutions atlantiques.
Votre dernière conférence se fera dans le cadre des rencontres de l'Association française des professeurs d'histoire et géographie où vous allez parler sur les manières d'enseigner les Lumières aux États-Unis. Comment voyez-vous ce champ aujourd'hui ? Dans quelle mesure, avec les changements politiques intervenus récemment, est-il plus que jamais nécessaire d'enseigner les Lumières ? 
David Bell : Malheureusement, les Lumières sont de moins en moins enseignées aux États-Unis. Cela s'explique surtout par le déclin général de l'histoire en tant que discipline, et en particulier de l'histoire de l'Europe, en partie à cause des changements démographiques au sein du corps étudiant. Mais il faut aussi mentionner ce que j'appelle dans la conférence la « légende noire » des Lumières, c'est-à-dire la perception des Lumières comme pépinière du racisme et de l'impérialisme. Aujourd'hui, les citations les plus connues aux États-Unis de Voltaire, de Hume et de Kant sont leurs propos racistes sur les Africains. Dans mon propre enseignement, je tiens compte des critiques des Lumières. Nous ne devrions pas les ériger en objets d'adoration comme cela a parfois été fait en France après 2015. Mais en même temps, l'enseignement des Lumières nous donne l'occasion de soumettre un corpus de textes à un examen rigoureux inspiré par ces mêmes textes : les évaluer selon leurs propres critères. Et les discussions qui en résultent dans mes cours soulignent l'étendue de notre dette intellectuelle envers les Lumières. Des questions de liberté, d'égalité, d'universalisme, d'économie politique, de genre, de racisme : tout y est sujet à discussion. Ainsi, j'aimerais vivement que les Lumières soient enseignées davantage aux États-Unis.
