Création d’une nouvelle chaire Algorithmique et Machine Learning

Pierre Aboulker, maître de conférences au sein du département d’informatique de l’ENS (DI ENS) et coordinateur de la chaire, détaille les enjeux et objectifs de cette chaire, cocréée par l’École, la Fondation de l’ENS et le groupe Casino.
Machine Learning

« La dotation permettra de financer deux ans de post-doc ou une thèse pour chacune des quatre équipes participant à la chaire. » Pierre Albouker

Un million d’euros sur cinq ans

L’histoire a démarré très simplement : « J’ai reçu un email de David Pointcheval, le directeur du DI ENS, pour me parler de cette chaire de mécénat financée par le groupe Casino, raconte Pierre Aboulker. Les thèmes clefs étaient la robotique, le machine learning, les bases de données et l’algorithmique, mon domaine de recherche. » Peu de temps après, le maître de conférences en est devenu le directeur scientifique. Organisée en quatre domaines de recherche (voir encadré), portée par des jeunes chercheurs, la chaire dispose d’un budget d’un million d’euros sur cinq ans. « Nous allons commencer par financer des bourses, à hauteur d’environ 400 000 euros (sur cinq ans), spécifiquement fléchés pour les étudiants issus de l’université, explique Pierre Albouker. La dotation permettra aussi de financer deux ans de post-doc ou une thèse pour chacune des quatre équipes participant à la chaire. » La promotion faite autour d’elle et l’intérêt que cette initiative suscite permet également la mise en relation avec d’autres chercheurs du domaine.

La signature de la convention
Inaugurée le 7 décembre 2021, en présence notamment de (de gauche à droite, au premier rang) : Jean-Charles Naouri (ENS Sciences, 1967), Président-directeur général du groupe Casino, Pierre Aboulker, maître de conférences à l’ENS-PSL, David Pointcheval,

Un parcours peu classique

Après le lycée, Pierre Albouker fait une classe préparatoire en physique chimie et il le dit tout net : « Cela ne m’a pas plus. » Direction l’Université de Jussieu où il obtient sa licence et son master en huit ans. « J’ai pris mon temps, raconte-t-il. J’ai voyagé à l’étranger dans plusieurs pays. Je n’étais pas vraiment un bon étudiant et j’ai mis longtemps à trouver ma voix. Pour moi, être mathématicien, c’était un peu un graal. Jamais, je n’ai pensé que je le deviendrai. » Lors de son master, il découvre la théorie des graphes. « C’était lors d’un partiel de deux heures. J’étais sorti de la salle au bout de la moitié du temps, avec la sensation vive d’avoir trouvé cela très facile. Après l’examen, je retrouve mes camarades qui, d’un air désolé et compatissant, pensaient que j’avais complément échoué. J'ai eu 20 sur 20. » Après une thèse et cinq ans de post-doctorat, il rejoint l’ENS-PSL en 2018 : « Au départ, je n’aimais pas réellement enseigner, ne voulant faire que la recherche. Les années passant, j'aime de plus en plus le travail avec les étudiants. Les normaliens sont très différents de tous les autres élèves que j’ai eus auparavant. Ils comprennent tout très vite, quelle que soit la façon dont on leur explique. Alors très vite, j’ai surtout cherché la meilleure pédagogie possible pour eux. Cela me force à comprendre pourquoi cette approche fonctionne mieux et ça m’aide dans mes recherches par la suite. »

« Faire grandir la montagne »

Le travail de Pierre Albouker concerne la théorie des graphes. Un graphe est un objet mathématique très simple, composé de points qu'on appelle sommets. Certains points sont connectés entre eux par des arêtes. « C’est extrêmement basique, mais très puissant. Par exemple, le plan du métro ou encore Google Map fonctionnent sur ce principe. Ces dernières années, la théorie des graphes a complètement explosé avec l’apparition de l’algorithmique », explique-t-il. Son travail s’attarde plus spécifiquement sur les graphes orientés : une arête entre deux points (A et B) possède une direction qui va de A vers B. « J’étudie les graphes en tant qu'objet mathématique. 99 % de mes travaux sont motivés par la théorie, raconte le maître de conférences. Il s’agit de résoudre, étape après étape, des petites énigmes qui résistent. Il y a aussi un plaisir indéniable à voir se construire, au fur et à mesure, une théorie globale. Quand je prends un peu de recul et que je lis les papiers des autres chercheurs, je vois la montagne grandir peu à peu et ça, c’est particulièrement gratifiant. »