Écrire l’histoire des femmes en Europe et dans les colonies

Un nouveau séminaire du département d’histoire

Créé le
12 décembre 2024
Le nouveau séminaire « Écrire l’histoire des femmes aux XIXe et XXe siècles en Europe et dans les colonies » a pour objectif d’interroger la mise à l’écart des femmes dans l’histoire : il est l’occasion de travailler sur les sources, de comprendre les débats historiographiques actuels et de dresser un portrait général de l’histoire des femmes à cette époque. Il questionne l’absence des voix féminines dans le passé et revient sur les renouveaux historiographiques qui ont eu lieu depuis les années 1970. Entretien avec Rosalie Mahieu, normalienne et doctorante à l’EHESS, qui est responsable de cet enseignement à l'ENS-PSL.
Écrire l'histoire des femmes
Illustration © Pôle communication de l'ENS-PSL

Pourquoi interroger la mise à l'écart des femmes dans l'histoire ?

Rosalie Mahieu : La prise de conscience de la mise à l'écart des femmes dans l'histoire n'est pas récente : dès les années 1970, en France, la communauté des historiennes souligne cette invisibilisation des femmes dans l'histoire et dans l'université. Le bon mot de Michelle Perrot est assez éloquent à cet égard : elle évoque la nécessité d'une « volonté de savoir » pour connaître l'histoire des femmes. Sans cette volonté, on ne saurait pas.
Le renouveau historiographique actuel se situe davantage dans le décentrement géographique et social des études de genre où il s'agit désormais de s'intéresser à l'histoire des femmes ordinaires, racisées, queer, des Suds. C'est désormais la mise en avant de la pluralité des figures féminines et des types d'engagement.

Qu'est-ce qui a motivé le choix de cet enseignement à l’ENS ?

Rosalie Mahieu : C'est d'abord le choix et l'initiative du Département d'Histoire de l'ENS qui a voulu proposer un cours introductif à l'histoire du genre afin de compléter l'offre de cours et de répondre aux demandes des étudiants et étudiantes. Ce sujet a été élaboré avec un objectif, celui de faire parler les sources, et donc de tenter d'entrer dans l'atelier de l'historienne et de l’historien. Grâce aux exposés des étudiants et étudiantes sur différents types d'archives et aux questionnements qui leur sont associés, je souhaitais montrer comment les chercheurs et chercheuses construisent et interrogent leur objet d'étude.

Et la volonté de le situer en Europe et dans les colonies ?

Rosalie Mahieu : La diversité des espaces géographiques m'apparaissait essentielle dans l'étude de l'histoire des femmes pour plusieurs raisons.
Il s'agissait, d'abord, de représenter la richesse et l'actualité de l'historiographie sur les études de genre qui ne portent pas exclusivement sur les espaces européen et nord-américain. Cette ouverture géographique permettait à la fois de « provincialiser l'Europe » et de décentrer nos regards sur les engagements féminins en analysant leur pluralité en matière de pensées et d'agir politiques. Étudier l'histoire des femmes en Europe et dans les colonies permet de montrer que tout savoir est toujours aréal, c'est-à-dire situé et que ce qu'on désigne comme appartenant au général s'inscrit aussi dans des contextes particuliers, souvent occidentaux.

Comment utilisez-vous les ressources (articles, sources politiques, judiciaires etc) mobilisés ?

Rosalie Mahieu : Lors chaque de séance, un groupe d'étudiants et étudiantes s'attelle au travail de sources : cela va d'une analyse de photographies, de caricatures de presse, de films documentaires, d'articles de revue, de mémoires de femmes, de constitutions d'une conférence onusienne. Les étudiants et étudiantes font un exposé sur une source précise. À partir de leur exposé, on essaie, collectivement, de réfléchir aux ambiguïtés, aux paradoxes et aux enjeux que soulèvent les sources. Je me permets, ensuite, d'insérer ces sources précises dans un contexte historique plus large : ce qui permet à la fois aux étudiants et aux étudiantes d'avoir une approche située via l'étude des sources et une vision plus générale de l'histoire des femmes.

Quelle place l'interdisciplinarité occupe-t-elle dans ce séminaire ?

Rosalie Mahieu : C'est un séminaire d'histoire - ce qui me semble déjà beaucoup en soi ! Mais il est vrai que certains sujets abordés touchent à l'actualité, ou du moins, à l'histoire du temps présent. Ce qui implique de faire dialoguer les approches des sciences sociales et parfois de mobiliser la sociologie ou la science politique.


À propos de Rosalie Mahieu

Après trois années de classes préparatoires au Lycée Henri IV, Rosalie Mahieu intègre le département d’histoire de l’ENS en 2019. Elle suit en parallèle le master Mondes arabes et musulmans de l’Université Paris-Sorbonne. Elle a obtenu l’agrégation d’histoire en 2024, et est désormais doctorante à l’EHESS. Son sujet de thèse s’intitule « luttes des femmes en Algérie : une histoire transnationale (1960s-1980s) », sous les directions de Pascale Barthélémy et Malika Rahal. Depuis la rentrée 2024, elle est chargée de mission d’enseignement à l’ENS.