Félicitations à Clotilde Policar, lauréate 2022 du Prix Fédération Gay Lussac-Académie des sciences

La chimie : l'une des solutions face aux enjeux climatiques et énergétiques

Créé le
25 octobre 2022
Clotilde Policar, spécialiste en chimie bio-inorganique et directrice-adjointe du Laboratoire des BioMolécules au département de Chimie de l’ENS, est la première co-lauréate du prix Fédération Gay Lussac de l’Académie des sciences récompensant des travaux de chimie au cœur des enjeux de la société.
Clotilde Policar
Clotilde Policar © Didier Goupy

Pouvez-vous nous parler de vos recherches actuelles ?

Au sein de mon équipe, nous développons des anti-oxydants catalytiques inspirés de métalloenzymes avec des perspectives thérapeutiques, et des métallosondes pour des imageries non conventionnelles et nous les étudions directement en contexte cellulaire. On est à la fois ingénieur ou architecte quand, en tant que chimiste, on cherche à construire un système qui marche, c’est-à-dire, ici, capable de reproduire l’activité protectrice de métalloenzymes anti-oxydants ou qu’on arrive à détecter dans le vivant pour les métallo-sondes. On est détective quand on cherche à suivre et à comprendre le fonctionnement de ces systèmes en contexte cellulaire.

J’aime bien représenter notre démarche en utilisant cet autoportrait de Magritte où il peint un oiseau avec pour modèle un œuf. J’ai substitué la protéine superoxyde dismutase à l’œuf, et Magritte dessine une structure schématique de la molécule, que l’on appelle mime de superoxyde dismutase.

La clairvoyance d'après un tableau de Magritte

Le prix que vous recevez, souhaite illustrer l’importance occupée par la chimie dans les enjeux de la société. Que vous inspire cette phrase de Michel Serres : « La chimie est partout et la chimie nous sauve » ?

La chimie est une science essentielle à la société et sous-jacente à de nombreuses autres : biologie ou physique, notamment. Une historienne des sciences, Michal Meyer, souligne que la chimie commence quand notre espèce devient humaine. Encore plus, en tant qu’inorganicienne, je crois qu’on peut mettre l’accent sur les métaux : d’une part, le vivant les accumule pour mettre à profit leurs propriétés physico-chimiques irremplaçables ; d’autre part, l’histoire de l’humanité est étroitement liée à l’utilisation des métaux. Les extraire, les purifier, les transformer est unique à notre espèce. Et aujourd’hui, c’est par la chimie, et notamment les métaux, que passe la solution face aux enjeux climatiques et énergétiques.

Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier de chercheuse ?

C’est un métier extrêmement gratifiant. Arpenter des endroits où personne n’est jamais allé me semble grisant : on est chaque jour un Christoph Colomb à notre manière. Mais au-delà de ce que l’on étudie et de ce que l’on peut découvrir, j’apprécie avant tout le collectif de recherche. Il y a les collaborations au quotidien, dans la même équipe avec lesquels on partage les questions, les doutes mais aussi les succès. Il y a aussi et simplement les collègues qu’on croise dans un couloir ou au café. Il y a enfin les étudiants, stagiaires de master, doctorants ou chercheurs post-doctorants, qu’on voit grandir scientifiquement, s’affirmer et devenir autonomes. Comme le dit Laurent Terzieff du théâtre, il me semble aujourd’hui que la recherche est l’une « des dernières expériences qui soit encore proposée à l'homme pour être vécue collectivement ! » Et le chercheur est le magicien de cette expérience. Nous sommes aussi des magiciens car nous transformons le monde, au sens figuré (dans le regard qui est porté sur le réel) mais aussi au sens propre. C’est, je crois, le sens de ce prix…

 

LA CHIMIE BIO-INORGANIQUE,  PARCOURS DE RECHERCHE de Clotilde Policar

Spécialiste en chimie bio-inorganique, la recherche de Clotilde Policar se situe à l’interface de la chimie et de biologie, avec une ouverture vers la caractérisation de complexes métalliques en milieu biologique complexe. « La chimie bio-inorganique est un domaine relativement récent, puisque la communauté internationale se structure autour de cette thématique à partir du milieu de la décennie 1980 seulement. De mon côté, j’y suis arrivée par le biais de la chimie inorganique et de l’étude des mécanismes et des intermédiaires fugaces dans les réactions des complexes métalliques avec les dérivés du dioxygène. Mais la chimie bio-inorganique est un champ pluridisciplinaire, qui mêle chimie, physique et biologie. J’ai été guidée tout au long de mes travaux par l’idée d’étudier le fonctionnement de systèmes métalliques artificiels, que nous concevons, directement dans un environnement biologique. C’est sur cet aspect que j’ai souhaité axer mes travaux quand j’ai été nommée à l’ENS. »