Iris Salecker, neurobiologiste

Des recherches sur le système visuel

Iris Salecker a rejoint l’institut de biologie de l’ENS-PSL (l’IBENS) en décembre dernier.  Rencontre avec cette scientifique au parcours international désormais chef de groupe de recherche et professeur à l’École.
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Iris Salecker

« Un profond désir de vouloir comprendre »

Arrivée à l’ENS-PSL il y a à peine quelques mois, Iris Salecker a voyagé dans plusieurs pays avant de pousser la porte de l’IBENS. D’abord en Allemagne, son pays d’origine, où elle a commencé ses études en biologie à l'université de Ratisbonne. Puis, grâce à une bourse du gouvernement français, elle passe neuf mois au CNRS, pour un stage au sein du Laboratoire de Neurobiologie Cellulaire et Moléculaire à Gif-sur-Yvette, dans l’Essonne.
De retour en Allemagne, elle obtient un doctorat en neurobiologie (1995), avant de traverser l’Atlantique pour ses études postdoctorales au sein de l’équipe du biochimiste et neuroscientifique S. Lawrence Zipursky, à l'université de Californie à Los Angeles. Fin 2000, rentrant en Europe, elle s’installe à Londres pour établir son premier groupe de recherche indépendant au sein du National Institute for Medical Research1. En décembre 2019, elle prend la tête d’une équipe de recherche à l’institut de biologie de l’ENS et y devient aussi professeur : « Mes liens avec Paris et la France, sa communauté scientifique et sa vie sont toujours restés solides, même au fil des ans. J’ai donc accepté sans hésiter cette merveilleuse opportunité. »

Ce qui anime sa passion pour la recherche et la biologie ? « Le profond désir de vouloir comprendre », répond-elle avec simplicité. « En grandissant dans la campagne en Allemagne, entourée de forêts, de lacs et de rivières, j'ai senti que les choses de la nature, plus que celles fabriquées par l'homme, détenaient des secrets fascinants. Cependant, je n’avais pas vraiment tracé un plan de carrière. Lorsque j'ai commencé mes études, je ne pouvais même pas imaginer ce que signifiait réellement une vie scientifique, et j'ai fait mes choix intuitivement, une étape à la fois, suivant ma curiosité et les portes qui s’ouvraient au bon moment. »

L’institut de biologie de l’ENS, où travaille désormais Iris Salecker, est un centre de recherche qui a pour objet d’étendre nos connaissances dans quatre disciplines interconnectées : génétique et génomique, biologie du développement, neurosciences, écologie et évolution. « Nous essayons de trouver des réponses à des questions fondamentales au niveau de l’ADN, des cellules, des tissus et organes, de l’organisme et de son interaction avec l’environnement » résume-t-elle.

Etudier le système visuel d’une mouche pour comprendre le développement du cerveau

L’équipe de recherche qu’elle dirige se concentre sur la partie du système nerveux qui permet aux animaux de voir. Dans le système visuel, les photorécepteurs sont essentiels pour détecter les signaux lumineux de ce qui nous entoure. Les circuits neuronaux sous-jacents, quant à eux, effectuent les calculs essentiels pour encoder ces informations reçues afin de former une image interne du monde extérieur dans le cerveau.
« Nous sommes particulièrement intéressés de savoir comment ces circuits émergent au cours du développement. Les réponses nous aideront plus largement à comprendre le développement du cerveau et anticiper les dommages en cas de maladies précises. » Pour cela, Iris Salecker et son équipe concentrent leurs recherches sur le système visuel chez la mouche de vinaigre, Drosophila melanogaster, qui leur sert de modèle. Cette partie du cerveau de la mouche est innervée par une multitude de sous-types de neurones différents, en étroite association avec un autre type de cellule du cerveau, les cellules gliales2 (ou glie). Comment les interactions entre les neurones et la glie façonnent les circuits visuels au niveau de cellulaire et moléculaire, voilà l’une des questions que la chercheuse et son équipe aimeraient bien élucider.

système visuel de la drosophile avec un marquage Flybow © IBENS
système visuel de la drosophile avec un marquage Flybow © IBENS

Des découvertes qu’elle n’hésitera pas à partager au-delà du monde universitaire. Car pour Iris Salacker, qui participe régulièrement à des événements scientifiques destinés au grand public, il est essentiel que les chercheurs partagent leurs travaux plus largement qu'avec leurs collègues. « C’est important, car je crois que nous sommes tous curieux de la nature qui nous entoure, que nous avons ce désir de la comprendre. J'espère pouvoir réveiller cette curiosité que chacun de nous porte en soi, partager la fascination de voir et de découvrir quelque chose pour la première fois. Les progrès scientifiques sont fondamentaux pour trouver des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. »

 

1Partenaire fondateur du Francis Crick Institute depuis 2015.

2Plus de 50% des cellules du cerveau humain ne sont pas des neurones, mais des cellules gliales. Leur fonction n’est pas seulement de cohésion : polyvalentes, elles aident aussi les neurones à communiquer, à se construire et à se défendre des maladies.