« J’ai choisi les sciences sociales pour comprendre, échanger et connaitre la réalité de l’humain »

Rencontre avec Aladji Djikine, étudiant en 3e année

Haute fonction publique ou monde de l’entreprise ? Si Aladji Djikine hésite encore quant à ses choix de carrière, il souhaite avant tout œuvrer à faciliter et rendre la vie meilleure. Rencontre avec un normalien ouvert aux autres et au monde qui l’entoure.

Aladji Djikine
Aladji Djikine

Lorsque l’on demande à Aladji Djikine ce qui l’a poussé à étudier les sciences sociales, sa réponse est limpide. Sans hésitation il explique : « c’est la discipline qui entre le plus en résonance avec ma personnalité. Je suis une personne qui a profondément le goût de l’autre. Je m’intéresse à tout ce qui touche l’humain, je souhaite comprendre, échanger et connaitre la réalité d’autres personnes. » Au-delà de cette attention aux autres, Aladji observateur invétéré considère aussi la sociologie comme la discipline qui fait le plus écho au monde.

 

Du CPES à l’ENS

Ce normalien en 3e année au département des sciences sociales a intégré l’ENS-PSL en 2017. Des études et une spécialisation progressive qui n’avaient rien d’évident.
Originaire de Paris, il effectue sa scolarité au collège et lycée François Villon, un lycée classé REP du 14e arrondissement de la capitale. « Au collège, j’étais plutôt un élève curieux et sérieux malgré les conditions d’apprentissage difficiles, parfois intrinsèques aux établissements REP. Mais, je ne croyais pas en mes capacités et j’avais du mal à être ambitieux. » se rappelle le normalien. Une logique d’autocensure qui se ressent dans ses choix d’orientation. Aladji pense d’abord se diriger vers un bac pro électricien. Une décision qui ne devait rien à une attirance particulière pour le domaine et tout à la crainte de ne pas avoir le niveau pour poursuivre en Seconde générale et aux recommandations d’un enseignant peu encourageant qui lui conseille « des filières où il n’y a pas de chômage après ». Heureusement, l’investissement et le soutien d’une autre professeure et de ses parents le convainquent de continuer dans la filière générale, plutôt que de s’orienter par défaut.

Au lycée, la rencontre avec sa professeure d’histoire-géographie en Première ES sera structurante pour la suite de son parcours. « Outre son soutien, ses précieux conseils et sa volonté de me faire prendre conscience que j’avais droit d’être ambitieux, c’est elle qui m’a parlé des classes préparatoires et de l’existence d’une « classe prépa à la prépa » qui pourrait parfaitement me convenir. » se souvient le normalien avec reconnaissance.
Cette « prépa à la prépa », c’est le Cycle Pluridisciplinaire d’Études Supérieures (CPES) créé par l'université PSL et le lycée Henri-IV. Ce diplôme, entre classe préparatoire et université, offre une formation ouverte et large, tout en permettant une spécialisation progressive en trois ans et la validation d’une licence. « Lorsque je me suis renseigné en allant aux journées portes ouvertes, j’ai vu que le CPES ne se résumait pas ou plus à cette préparation à la prépa mais était une formation à part entière, pluridisciplinaire et exigeante. J’ai tout de suite été séduit par le concept ! » témoigne l’étudiant.
Aladji postule d’abord en filière Sciences Économiques Sociales et Juridiques (SESJ) avant de s’orienter vers une majeure Sociologie et une mineure Histoire en deuxième année.

 

L’admission à l’ENS-PSL : un travail personnel et d’équipe

Quant à son choix de tenter d’intégrer l’École normale, ce sont avant tout ses proches, enseignants, amis et parents, qui l’ont influencé. « Mes professeurs au CPES ont joué un rôle primordial en nous incitant continuellement à tenter l’ENS. » précise Aladji. Pierre Amougou, son colocataire au CPES, qui est actuellement au département de sciences cognitives de l’ENS-PSL, lui a aussi été d’un soutien précieux : « dès la première année, il m’a encouragé dans mon ambition. »
Aladji est particulièrement reconnaissant envers ses parents, qui ont eu une influence importante dans son parcours jusqu’à l’École normale : « même si mes parents n’ont pas fréquenté l’enseignement supérieur, ils m’ont toujours incité à viser l’excellence malgré les obstacles réels et à me faire confiance dans ma capacité à l’atteindre. » Un état d’esprit qu’il garde aujourd’hui et que le normalien tente de transmettre aux jeunes à travers son engagement associatif. « Finalement, mon admission à l’ENS est à la fois un travail personnel de longue haleine et un travail d’équipe avec mes professeurs et mes proches ! » conclut-il avec sincérité.

D’autres raisons ont aussi motivé son choix pour l’ENS-PSL une fois admis : « la liberté exceptionnelle offerte par l’École, la possibilité de construire son propre cursus, de s’ouvrir à d’autres disciplines et donc aux autres correspondent bien à ma personnalité et à mes attentes. »
« Il peut être déstabilisant de tenter les concours de grandes écoles dont fait partie l’ENS, quel que soit la voie. » admet le normalien, qui a choisi celle du concours étudiant. « À ceux qui voudraient tenter l’aventure, il est indispensable de travailler sa confiance en soi. Il peut être utile de se rappeler les réussites passées, même celles qui paraissent insignifiantes comme, par exemple, la victoire à un match de foot qui pourtant semblait perdu d’avance, elles vous rappelleront que vous savez faire preuve de ténacité, de détermination et que vous pouvez fournir des efforts. Autant de qualités nécessaires à mon sens pour réussir à intégrer l’ENS. »
Prendre contact avec des normaliens, via Linkedin ou des forums de discussion, permet aussi d’obtenir de précieux conseils ou informations sur le concours et les études. Dernier conseil d’Aladji, plus spécifique au concours étudiant, « choisir un sujet qui vous passionne réellement et dont les départements pourront accompagner la réalisation. »

 

L’ENS, lieu rare

Pendant sa scolarité à l’ENS, Aladji étudie la sociologie, l’économie financière, les mathématiques, les langues, l’histoire et la géographie, « ce qui n’est possible nulle part ailleurs ! » Des croisements entre les disciplines qui comportent des bénéfices indéniables, considère l’étudiant : « voir les points de connexion entre les matières sur des sujets d’actualité, affiner son intelligence sociale en discutant avec différentes personnes sur des sujets et des thématiques incroyablement variés, nourrir la grande curiosité des étudiants, entre autres. » Aladji dit aussi avoir choisi l’ENS pour « son excellence reconnue dans le domaine des sciences sociales. Je savais que je bénéficierai d’un encadrement de qualité et que j’apprendrai la discipline auprès des chercheurs les plus expérimentés et les plus exigeants. »

Ses études sont aussi l’occasion de découvrir  « un lieu chargé d’Histoire, extrêmement vivant intellectuellement et charmant » et Aladji mentionne volontiers la verdoyante cour aux Ernest, l’un des endroits incontournables de l’ENS qu’il affectionne tout particulièrement. Il estime avoir eu de la chance d’acquérir autant de connaissances tout en pouvant prendre le temps de réfléchir et de se construire après 2 années « intensives » au CPES. « L’ENS insiste sur l’idée que la première année doit être le temps de la découverte et je pense que cette philosophie est juste » souligne le normalien. Il apprécie également les valeurs de l’École, « l’honnêteté et la rigueur intellectuelle, l’ouverture aux autres et la liberté » mais aussi l’éclectisme cultivé entre ses murs : « rares sont les lieux où vous pouvez croiser un physicien, un sociologue, un économiste et un linguiste dans le même couloir. »  

En double cursus, Aladji suit un master Politiques publiques à Sciences Po (anciennement master administration publique) tout en étudiant au département des Sciences sociales à l’ENS-PSL. « Cela me permet d’être formé de la meilleure des manières à l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques, explique-t-il. À Sciences Po l’accent est mis sur les conditions de bonne réussite des politiques publiques et les administrations qui sont censées les porter. À l’inverse, à l’ENS j’ai la possibilité de travailler sur la compréhension du monde social et des différents publics. Or, pour qu’une politique publique soit une réussite, cela suppose de bien connaître ses destinataires, sinon on s’expose à une non-utilisation des dispositifs. D’où ma volonté d’être doublement compétent en sciences sociales grâce à l’ENS et d’avoir des connaissances relatives aux politiques et à l’administration publiques via Sciences Po. »

Pour le jeune homme, ces études sont une bonne préparation à ses aspirations professionnelles, car elles mobilisent selon lui des capacités de synthèse et de rigueur particulièrement utiles pour les carrières qu’il envisage. Il hésite encore entre la haute-fonction publique et le monde de l’entreprise. « La pluridisciplinarité qu’elles offrent est particulièrement utile pour imaginer des solutions innovantes ou comprendre un problème sous plusieurs aspects », un véritable atout aux yeux du normalien. « Les cours proposés comme le droit public et d’économie de base à l’ENS et à Sciences Po, et plus spécialement d’économie financière et de méthodes quantitatives à l’École normale me permettent d’avoir un solide bagage intellectuel et des compétences utiles pour les métiers vers lesquels je me tournerai. » souligne Aladji.

 

Se consacrer à l’autre coûte que coûte

L’année universitaire 2019/2020 a été une année de césure pour Aladji. Le normalien a choisi d’effectuer des stages pour acquérir de l’expérience et parfaire son projet professionnel en découvrant des métiers et des profils autres que ceux du monde académique. « J’ai fait cette césure car j’étais convaincu que l’aspect théorique de ma formation à l’ENS et la pratique dans le monde du travail via des stages n’étaient pas hermétiques mais, au contraire, pouvaient s’enrichir mutuellement », résume-t-il.
Aladji a effectué la première partie de sa césure à la Direction des Affaires publiques d’Orange. Pendant six mois, il a découvert avec bonheur le fonctionnement du monde de l’entreprise, les grandes dynamiques du secteur de la téléphonie et observé la participation active des grands acteurs du secteur à l’inclusion numérique.

Mais deux semaines après son arrivée à la Direction de l’Attractivité et de l’Emploi de la Mairie de Paris pour son deuxième stage, on annonce le confinement national. Cette nouvelle, comme pour tous les étudiants, aura un impact considérable sur l’année d’Aladji. S’il a eu de la chance de conserver son stage, il a immédiatement basculé en télétravail, sans qu’il n’ait pu vraiment faire la connaissance de ses collègues, ni être formé aux outils numériques mis en place. Comme pour d’autres, « s’intégrer dans un collectif dans un contexte où les interactions sociales sont très limitées n’a pas été aisé ». Malgré cela, il porte un regard positif sur une expérience qui lui a donné l'opportunité de travailler sur le plan de relance mis en place par la ville, pour atténuer les effets économiques de la pandémie. « J’étais plus qu’heureux de pouvoir me rendre utile lors de cette période difficile, et je dois admettre que c’était une belle opportunité dans le cadre d’un stage. »  

Initialement focalisée sur la préparation des concours administratifs de la haute fonction publique, cette année de césure aura élargi son horizon professionnel. Il envisage désormais sérieusement une orientation vers le monde de l’entreprise. « Mais dans les deux cas, ces possibilités répondent à l’un de mes objectifs personnels : faire en sorte d’œuvrer à faciliter, rendre meilleure la vie des individus. Grâce aux concours administratifs, je pourrais œuvrer à la réalisation de politiques publiques. Si c’est l’autre voie, ce sera auprès d’une d’entreprise qui se mobilise sur les questions de RSE, au travers des initiatives comme Tech For Good, par exemple. »

Très investi dans ces problématiques, Aladji est membre de l’association Article 1 dont l’objectif est la lutte contre les inégalités scolaires. Il a été amené à participer à l’exposition « Visage(s) » de l’association, affichée sur les grilles de l’Hôtel de Ville de Paris l’automne dernier. Le normalien a également donné des cours de français dans le cadre du programme Étudiants invités, une expérience particulièrement enrichissante. Lors des vacances scolaires, il s’est aussi investi « près de chez lui » grâce à la plateforme Benenova. Il a ainsi pu aider à collecter les invendus à la fin de marchés pour les distribuer aux personnes en situation de grande précarité. « J’ai toujours fait en sorte malgré l’exigence de mes études d’essayer de me consacrer aux autres à travers un engagement. » déclare-t-il avec simplicité. Un engagement qu’il est décidé à poursuivre durant sa vie professionnelle.