Le Laboratoire des Émotions, au cinéma et en sciences cognitives

Colloque les 9 et 10 décembre 2019

Qu’elles soient sujet de laboratoire ou portées sur grand écran, durant deux jours, scientifiques et professionnels du septième art dialogueront pour comprendre ce qui est en jeu avec les émotions. Rencontre avec les organisateurs, Klara Kovarski, Rocco Mennella et Victor Chung, chercheurs en sciences cognitives.
Le Laboratoire des Émotions, au cinéma et en sciences cognitives
Klara Kovarski, Rocco Mennella et Victor Chung - séance de travail

Les émotions tiennent une place centrale dans nos vies et sont un objet d'étude majeur des sciences cognitives. Au laboratoire de Neurosciences Cognitives et Computationnelles (INSERM U960) du Département d’Études Cognitives de l’ENS, les chercheurs déploient de nombreuses techniques pour décrire et comprendre la manière dont elles sont produites, communiquées, perçues et traitées.

Dans un tout autre domaine, le cinéma, c’est un travail collectif qui est à l'œuvre pour susciter l’émotion du spectateur. Comme dans un laboratoire, les techniques utilisées par les professionnels du 7e art sont le résultat de connaissances, d'intuitions et d'expériences qui enrichissent notre compréhension des émotions dans toute leur diversité.

 

 Les émotions, terre de rencontre entre artistes et chercheurs

À la fois passionnés de cinéma et investis dans la recherche expérimentale sur les émotions, les chercheurs Klara Kovarski, Rocco Mennella et Victor Chung sont des spectateurs fascinés autant par l’éventail d’émotions que peuvent susciter les films que par la maîtrise que les professionnels du cinéma ont développée afin de susciter ces expériences.
Lorsqu’ils sont au laboratoire, les émotions constituent le cœur de leurs recherches. Un domaine de recherche qui nécessite bien sûr de les reproduire dans des conditions expérimentales pour les étudier scientifiquement.

« Notre souhait pour ce colloque est d’initier un dialogue interdisciplinaire entre les professionnels du cinéma et les chercheurs en sciences cognitives afin de favoriser un apprentissage mutuel. »

Avec Julie Grèzes, qui dirige l'équipe de cognition sociale au sein du Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Computationnelles de l’ENS et qui supervise l’organisation du colloque, ils sont donc partis du constat que les émotions sont un élément crucial au cinéma et dans les neurosciences affectives, alors que ces deux univers restent isolés l’un de l’autre.
« Au cours de nos discussions, l’idée a émergé d’inviter des professionnels du cinéma « chez » les scientifiques, pour privilégier un échange autour de ce sujet d’intérêt commun. Le colloque s’est imposé comme le format idéal pour organiser cette première rencontre et le financement du programme New Ideas in Social Cognition (EUR PSL Frontiers in Cognition, DEC) nous a permis de concrétiser cette idée, sous la coordination de Julie Grèzes.»

 

À l'épreuve de la méthode scientifique

Qu’est-ce qu’une émotion ? Quel est le rôle des émotions ? Comment les étudier au sein d’un laboratoire de sciences cognitives ? De nombreuses théories tentent de répondre à ces questions immuables, qui suscitent des débats vifs et tout à fait actuels. Si l’approche évolutionniste fait par exemple aujourd’hui consensus au sein de ce domaine de recherche, la définition précise d’une émotion est encore disputée.
Cette problématique passionnante fait d’ailleurs l’objet d’une communication de Klara Kovarski, Rocco Mennella et Victor Chung lors du colloque,qu’ils ont choisi d’intitulé Qu'est-ce qu'une émotion ? Aperçu du laboratoire. Cette intervention tentera de donner un aperçu des hypothèses et méthodes appliquées au sein d’un laboratoire de neurosciences affectives et d’introduire les principaux phénomènes qui seront abordés au cours de ces deux jours de rencontres. Et en s’appuyant sur une expérience en laboratoire réalisée cette année, les trois scientifiques partageront aussi quelques idées et pistes méthodologiques qui, l’espèrent-ils, intéresseront les professionnels du cinéma.

Car selon eux, « la méthode scientifique contraint à simplifier ou réduire la complexité des émotions, afin de pouvoir étudier leurs aspects fondamentaux. Par conséquent, le cadre expérimental s’éloigne bien souvent des conditions naturelles dans lesquelles nous vivons quotidiennement les émotions. »
Or cette complexité se retrouve dans l’expérience cinématographique, ce qui suggère que les films peuvent être utilisés pour compléter notre connaissance réductionniste des émotions.

 

Un colloque en "classe inversée" pour chercher et découvrir ensemble

Pour préparer ce colloque, les trois chercheurs ont échangé de façon informelle avec des professionnels du cinéma. « Ces échanges nous ont suggéré qu’il existe des points communs mais également des différences entre notre façon d’étudier les émotions et la façon dont les émotions sont définies et appréhendées par ceux qui travaillent dans l’industrie cinématographique. » expliquent-ils.

Pour que le dialogue soit le plus équilibré possible et afin de répondre au moins en partie aux attentes du public, ils ont invité ces experts du septième art à formuler les questions qu’ils pourraient poser à des chercheurs spécialistes des émotions. « Ces retours nous ont aidés à identifier quelques thématiques telles que : pourquoi les réactions des spectateurs sont-elles variables ? Quels sont les effets de la répétition des émotions sur le spectateur ? Quelles sont les différences entre les émotions véhiculées par le son et par l’image ? »

Klara Kovarski, Rocco Mennella et Victor Chung ont donc choisi d’aborder le thème des émotions au cinéma avec le moins de présupposés possibles. Pour eux, cela reflète l’esprit qu’ils souhaitent insuffler à cet événement : ne pas utiliser les sciences cognitives pour évaluer l’efficacité des techniques cinématographiques et formuler des « recettes » mais, plutôt, comprendre comment les techniques cinématographiques existantes interrogent et enrichissent notre connaissance actuelle des émotions.

Le colloque Le Laboratoire des Émotions, au cinéma et en sciences cognitives a lieu les 9 et 10 décembre 2019 à l’ENS au 45 rue d’Ulm – 75005.
Retrouvez le programme détaillé des interventions par ici
Bon à savoir : événement tout public, gratuit sur inscription ici (obligatoire)

Un événement organisé par Julie Grèzes, Rocco Mennella, Victor Chung (LNC2 – INSERM U960 – DEC/ENS), Klara Kovarski (Integrative Neuroscience and Cognition Center – CNRS UMR 8002) et Carole Desbarats (Les enfants de cinéma - Directrice artistique des Rencontres du Havre sur les séries).

 

À propos des organisateurs

Klara Kovarski (CNRS UMR 8002, Fondation Ophtalmologique Rothschild) est docteure en Neurosciences Cognitives et chercheuse auprès de la Fondation Ophtalmologique Rothschild et de l’Integrative Neuroscience and Cognition Center (CNRS). Elle s’intéresse à l’autisme, aux troubles de la vision, ainsi qu’à la perception des visages émotionnels. « J’ai un parcours pluridisciplinaire et je suis depuis longtemps passionnée par le cinéma, ce qui motive mon envie de proposer un pont entre neurosciences et cinéma pour créer un échange mutuel autour du sujet des émotions. »

Après des études littéraires, Victor Chung (ENS-PSL, EHESS, Université Paris Descartes) a poursuivi des études de commerce et une spécialisation dans les médias et leur transformation numérique, qui lui ont permis d’approfondir sa passion pour le cinéma, notamment à l’occasion de plusieurs stages dans la distribution de films. « Le cinéma est une expérience aussi bien sociale qu’affective et cet intérêt personnel s’est très vite doublé d’une envie de mieux comprendre ces phénomènes d’un point de vue philosophique et scientifique. » Désormais en M2 du Cogmaster en sciences cognitives PSL, au sein duquel il étudie les sciences cognitives, il y consacre son stage d’immersion en laboratoire.

Rocco Mennella (ENS-PSL, INSERM U960, IEA) est chercheur contractuel au Département d’Études Cognitives de l’École Normale Supérieure - PSL, actuellement résident à l’Institut d’Études Avancée de Paris. Docteur en Sciences Psychologiques, il s’intéresse aux émotions et plus précisément à la manière dont elles influencent nos décisions quotidiennes. « Sur le long terme, j’aimerais mieux comprendre les mécanismes émotionnels sous-jacents aux troubles affectifs, tels que la dépression et l’anxiété. Pour moi, cet échange avec le monde du cinéma représente une opportunité unique de bénéficier d’une connaissance des émotions tout à fait complémentaire de celle des sciences affectives. »

Julie Grèzes (DR INSERM) dirige l'équipe de cognition sociale au sein du Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Computationnelles (INSERM U960) au Département d’Études Cognitives de l’École Normale Supérieure à Paris.