 
  Recréer en laboratoire des séismes pour mieux comprendre leur diversité : le pari de Carolina Giorgetti
	
			
            Rencontre avec la géologue récompensée par une ERC Starting Grant 2025
      
		
		
	
			Pourquoi les séismes diffèrent-ils d’une région du monde à l’autre ? Un phénomène complexe que cherche à comprendre Carolina Giorgetti, chercheuse CNRS au département de Géosciences de l’ENS-PSL.
Lauréate d’une prestigieuse ERC Starting Grant pour son projet MEMENTO, elle s’attelle à reproduire, en laboratoire, les conditions tectoniques à l’origine des séismes. Une démarche ambitieuse qui vise à mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans différents contextes géologiques.
 
Vous avez obtenu l’ERC Starting Grant pour votre projet MEMENTO (Monitoring Earthquake Mechanics under Evolving Natural TectOnic stress), mené au sein du Laboratoire de géologie de l'ENS (CNRS / ENS - PSL). Pouvez-vous nous présenter en quelques mots vos recherches ? 
Carolina Giorgetti : MEMENTO vise à mieux comprendre les lois physiques qui régissent les séismes. Comme il s’agit d’un phénomène complexe, leur étude nécessite une approche multidisciplinaire intégrant plusieurs méthodes : des observations en surface, comme celles des sismomètres ; des expériences sur de petits échantillons de roche ; et des modèles physiques et mathématiques décrivant leur déroulement. Les expériences en laboratoire – au cœur de ma recherche – permettent d’observer de près des processus qui, dans la nature, se produisent à des profondeurs inaccessibles et sur des échelles de temps très longues allant de quelques décennies à plusieurs siècles. Jusqu’à présent, les études de laboratoire se sont concentrées sur un seul scénario, dans lequel la faille responsable du séisme présente une orientation donnée par rapport aux forces tectoniques en jeu. MEMENTO ambitionne d’aller plus loin, en recréant des séismes représentatifs des différents contextes tectoniques de notre planète – comme les divers types de limites de plaques.
  
Vos recherches reposent donc sur des expériences de laboratoire, visant à mieux comprendre les mécanismes sismiques. En quoi ces observations en environnement contrôlé peuvent-elles nous aider à mieux interpréter l’activité sismique réelle ? 
Carolina Giorgetti : Le laboratoire, bien qu’il simplifie et réduise le phénomène d’échelle, reste un outil essentiel pour comprendre les séismes. Les lois que nous utilisons aujourd’hui pour décrire la sismicité sont en grande partie d’origine empirique : elles proviennent d’observations expérimentales. En laboratoire, il est possible d’étudier de près le cycle sismique, c’est-à-dire l’ensemble des processus qui se déroulent entre deux séismes – de l’accumulation d’énergie dans la croûte terrestre, qui sera ensuite libérée lors du séisme, à la phase de préparation où peuvent apparaître des signaux précurseurs. 
Les expériences menées dans le cadre de MEMENTO visent à comprendre comment ces phases évoluent dans différents contextes tectoniques, en reproduisant en laboratoire des conditions qui, sur Terre, varient d’une région à l’autre. L’objectif est ambitieux : mieux expliquer les différences observées entre les séismes du monde, des différences encore aujourd’hui imparfaitement comprises. 
Que représente pour vous cette ERC, et que va-t-elle vous permettre ?  
Carolina Giorgetti : Obtenir ce financement a été pour moi une grande satisfaction, mais aussi – et surtout – un véritable défi. MEMENTO représente un point de départ et l’occasion de mettre à l’épreuve mes idées dans un environnement de recherche dynamique et collaboratif comme celui de l’ENS-PSL. Pour une jeune chercheuse comme moi, c’est aussi une opportunité de constituer une équipe et de donner forme à une nouvelle orientation scientifique. En somme, c’est une étape décisive dans mon parcours personnel et professionnel.
Et qu’aimeriez-vous dire à un ou une jeune chercheuse qui hésiterait à répondre à un tel appel à projets ? 
Carolina Giorgetti : Si vous avez développé une idée, n’hésitez pas à vous lancer : croire en ses idées est la première étape. Les confronter le plus possible au sein de la communauté scientifique, en accueillant remarques et critiques, a été pour moi une clé essentielle. Le monde de la recherche peut sembler écrasant au début, et parler à des collègues plus expérimentés peut intimider. Mais, dans mon expérience, j’ai toujours trouvé curiosité, intérêt et ouverture, surtout chez des personnes aux carrières déjà longues.
 
 
  
À propos de Carolina Giorgetti
« Le phénomène que j’étudie – les séismes – se situe à la croisée de plusieurs disciplines : la géologie, la géophysique et l’ingénierie, entre autres. Mon chemin a été celui de la géologie », indique Carolina Giorgetti, chercheuse CNRS au département de Géosciences de l’ENS-PSL.  
Sa fascination et sa curiosité pour les phénomènes naturels remontent à l’enfance. Elle les doit en grande partie à son institutrice de sciences, qui lui transmet sa passion pour l’observation et la compréhension du monde qui nous entoure. Cette curiosité, « soutenue par une forte approche logique et déductive », guide Carolina Giorgetti vers un parcours d’études orienté vers les sciences. À la fin du lycée, son amour pour ses montagnes natales – les Apennins – la pousse à choisir la géologie, et plus particulièrement la géologie structurale, qui étudie comment les forces tectoniques modèlent notre planète. « Dès lors, le passage à l’étude des séismes a été naturel, intimement lié au fait d’avoir grandi dans une région sismique italienne, les Marches, où ces événements font partie de la mémoire et de l’expérience collectives. »
 
