Reportage - Antarctique 2.0°C : une aventure scientifique engagée
Six normaliens bientôt aux confins des régions polaires, lancés dans une aventure humaine et scientifique inédite
Aménager un laboratoire de recherche à la pointe de la technologie sur un bateau de pêche traditionnel norvégien pour explorer les rivages de l’Antarctique ? Un projet et un rêve portés par six étudiants des Écoles normales supérieures de Paris, Paris-Saclay et Lyon.
La course contre la montre a commencé pour ceux qui veulent embarquer à l’automne 2021 pour plusieurs mois d’expédition scientifique sur les impacts du changement climatique en Antarctique. Rencontre avec les acteurs d’un projet qui parle d’aventure, de recherche, de sensibilisation environnementale et de transmission.
Plus de cent ans après la course au Pôle Sud dans laquelle les hommes ont exploré avec passion la terra incognita qu'était alors l’Antarctique, le continent Austral, désormais réservé à la science, à la paix et à la préservation des espèces et des espaces, fascine toujours autant et n’a pas fini de livrer ses secrets. Six normaliens de trois Écoles différentes se préparent pour l’expédition Antarctique 2.0°C, entre recherche scientifique et sensibilisation environnementale.
Rendre compte des enjeux écologiques du XXIe siècle
Prévu pour débuter en septembre 2021, ce projet de 12 mois de recherche fera vivre à l’équipe d’étudiants 6 mois à bord d’un voilier puis 4 mois sur une base scientifique du continent polaire. L’objectif ? Étudier les impacts du changement climatique en zone Atlantique et australe dans une perspective interdisciplinaire mêlant biologie, chimie, géosciences ou encore sciences sociales et sensibiliser le grand public à des problématiques écologiques majeures.
« L’Antarctique constitue une zone unique du globe à bien des égards. C’est l’un des derniers écosystèmes relativement préservés sur Terre, l’un des moins bien connus aussi, et l’un des plus menacés par les activités humaines et les bouleversements environnementaux, explique Margot Legal, en 4e année au département de sciences sociales de l’ENS-PSL et membre de l’équipage. Il s’agit aussi d’un territoire à statut international, régi par le Traité sur l’Antarctique qui fait de ce continent une terre pacifique et de coopération scientifique. Or les enjeux qui pèsent actuellement sur ce traité et sa renégociation sont cruciaux : revendications de souveraineté, exploitation des ressources naturelles… »
« Ce continent est aujourd’hui encore protégé par un traité qui y proscrit toute activité autre que la recherche. Mais le tourisme se développe le long de ses côtes et l’accord international arrive bientôt à échéance, ajoute Clément Astruc-Delor, étudiant en 3e année au département Géosciences de l’ENS-PSL lui aussi membre de l’expédition. Plusieurs États avancent leurs pions pour pouvoir exploiter les ressources du continent Blanc. Du fait de la difficulté d’accès, un grand nombre de questions sont encore sans réponse. C’est pourtant l’expertise des scientifiques qui permettra un état des lieux précis de la zone, de ses vulnérabilités, et donc d’y encadrer légitimement le développement des activités. »
« Être un acteur de la recherche mais aussi s’assurer que les découvertes soient entendues » - Clément, étudiant en Géosciences à l’ENS-PSL
Les membres d’Antarctique 2.0°C n’envisagent pas une aventure en vase clos mais souhaitent profiter du caractère exceptionnel de leur projet pour initier le plus grand nombre aux sciences polaires (élèves, grand public, chercheurs d’autres disciplines) et comme l’espère Clément, « contribuer ainsi à un avancement de la culture générale scientifique à laquelle tout citoyen devrait avoir accès pour se forger un avis critique. Chance ou malchance, les pôles subissent ce qu’on appelle “l’amplification polaire” du changement climatique. Les conséquences y sont déjà bien plus visibles que sous nos latitudes. Ces écosystèmes qu’on connaît peu sont donc menacés à court terme. Les étudier est nécessaire pour essayer de les préserver mais aussi pour peut-être anticiper ce qui nous attend, et réveiller les décideurs politiques sur le défi qu’ils ont à relever. »
Les intersections d’un projet
Pour construire cette aventure, ils sont six normaliens passionnés, issus des Écoles normales supérieures de Paris, Paris-Saclay et de Lyon. « Au départ nous étions quatre, se souvient Clément. Nous nous sommes rencontrés aux interENS en 2018, un week-end festif annuel regroupant les cinq ENS. »
C’est là qu’il retrouve Olivier Smith, ami de lycée et normalien chimiste à Lyon. C’est lui qui lui présente Niels Dutrievoz, passionné par les sciences du climat et Baptiste Arnaud, microbiologiste. Tous deux sont étudiants à l’ENS Paris-Saclay. « Rapidement, nous réalisons que nous sommes tous intéressés par les pôles, notamment par l’Antarctique, et que nous voudrions monter et porter un projet de recherche pendant notre scolarité. On se met alors en tête de concrétiser cette idée un peu folle qui nous porte », relate le normalien.
Grâce aux précieux conseils d’Anaïs Orsi, glaciologue au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE) que Clément avait eue comme intervenante en licence, les normaliens assistent aux journées du CNFRA (Comité National Français des Recherches Arctiques et Antarctiques) à la Maison des océans à Paris où ils rencontrent les chercheurs français spécialisés dans les milieux polaires.
« On était enfin lancés » se rappelle Clément. « Tout d’abord, avec le soutien de nos départements respectifs, puis chacun d'entre nous se spécialisant peu à peu, avec les chercheurs chez qui nous avons pu faire des stages ». Le normalien cite notamment Delphine Lannuzel, marraine scientifique du projet avec qui il a travaillé sur la biogéochimie du fer dans la banquise Antarctique. « Elle nous a beaucoup aidés dans la phase de conceptualisation et de conception du projet de recherche et nous a mis en contact avec la plupart des chercheurs avec qui nous travaillons. »
Progressivement, l’équipe s’étoffe et les normaliens sont désormais six sur le projet, chacun apportant sa spécialité de recherche. Parmi eux, Margot Legal, qui suit des études de sciences sociales à l’ENS-PSL : « je suis la dernière arrivée dans l’équipe. J’ai reçu un mail durant le confinement du printemps 2020, diffusé par le département de sciences sociales, dont l’objet était « Recherche d’un·e sociologue pour partir en Antarctique ». Dans un tel moment, vous ouvrez tout de suite ce genre de mail ! »
L’équipe n’était alors constituée que d’étudiants et étudiantes en sciences expérimentales, qui n’imaginaient pas partir sans ouvrir leurs perspectives de recherche aux champs des Humanités. « J’ai tout de suite été séduite par cette dimension réellement interdisciplinaire, qui ne se limitait pas à des liens entre disciplines « cousines ». Car l’équipe souhaitait qu’un·e sociologue puisse apporter un éclairage réflexif sur l’expédition, ce qui démontre une belle maturité scientifique je trouve. Pour ma part, je suis sensible au dialogue entre les différentes formes de sciences, et ce projet nous met au défi non seulement de dialoguer, mais aussi d’agir » explique la normalienne avec enthousiasme.
Un laboratoire de pointe sur un voilier traditionnel du siècle dernier
Ce qui n’aurait pu rester qu’un rêve entre amis est bien vite devenu un projet d’études aussi concret qu’ambitieux. Il y a quelques mois, les normaliens trouvaient le bateau qui les emportera jusqu’en Antarctique : le Lun II, un élégant voilier hauturier, un bâtiment traditionnel norvégien, construit en 1914.
Successivement bateau de pêche, habitation d’un océanographe allemand et de son épouse mexicaine, avant de transporter pour Ulysse Buquen, son propriétaire actuel, du rhum, du vin et à l’occasion de l’huile d’olive, le Lun II aura peut-être bientôt un avenir scientifique. Les membre d’Antarctique 2.0 le lui construiront avec bonheur.
Pour Clément, ce voilier est un véritable coup de chance : « via les connaissances de Niels, nous avons pu entrer en contact avec cette équipe de marins passionnés par la restauration de vieux bateaux. Ils ont tout de suite accroché au projet et sont devenus membres de l’équipe à part entière. »
« Avec le bateau, nous avons aussi choisi un équipage. Nous partageons une vision commune du projet avec Ulysse Buquen. L’armateur du Lun II a une très solide expérience de la navigation sur vieux gréements. C’est un marin passionné, qui souhaite inscrire ses bateaux chargés d’histoire dans le présent. Le capitaine Léo Maréchal et son second Yann Willard ont également à cœur de transmettre leurs compétences aux marins d’eau douce que nous sommes pour l’instant ! » rajoute Margot, reconnaissante envers les trois hommes.
De nombreux travaux sont en cours afin de transformer ce bateau historique en un laboratoire à la pointe de la technologie. Un véritable défi technique et écologique, en harmonie avec les objectifs de développement durable de l’ONU : « faire mieux avec moins, peut-être en étant plus ingénieux, et en mobilisant des infrastructures déjà existantes » résume Clément. Car le voilier doit être opérationnel pour résister aux éléments extérieurs pendant plus de huit mois et pour permettre les diverses recherches scientifiques qu’effectueront les membres de son équipage.
Pour comprendre les impacts humains sur l'écosystème austral - perturbations climatiques, pollution plastique ou encore présence humaine - chacun des six scientifiques explorera des champs variés. Biogéochimie et microbiologie, biologie des populations, glaciologie, sciences sociales et micro plastiques, leurs recherches seront résolument interdisciplinaires comme l’exigent les sciences environnementales.
Ainsi Clément est spécialisé en biogéochimie, un domaine des géosciences qui fait appel à la chimie et à la biologie. « C’est interdisciplinaire par nature ». Concrètement, il effectuera 400 à 500 prélèvements d’eau tout au long du parcours afin d’analyser les différents écosystèmes et les ressources qui y sont présentes (sels minéraux, niveau d’oxygénation, nutriments, métaux traces), le développement des micro-organismes (biomasse, chlorophylle).
« La grande question est de savoir comment l'écosystème interagit avec la ressource. Pour cela, on s’intéresse principalement à l’acquisition des métaux, nécessaires aux réactions biochimiques des organismes. C’est souvent la ressource la plus limitée et c'est donc a priori celle pour laquelle les stratégies de coopération ou de collaboration entre espèces sont les plus visibles. Mieux connaître ces écosystèmes, c’est potentiellement mieux percevoir leur vulnérabilité à toute perturbation (modification des ressources, de la température, des pollutions... ) » explique l’étudiant.
Mener ce travail pendant 8 mois sur un si long trajet permettra d’avoir un aperçu très large de la zone Atlantique et de pouvoir comparer ces données à celles d’autres missions plus localisées, mais aussi à des études qui étaient difficilement comparables entre elles jusqu’à maintenant, faute de référence commune.
Margot, quant à elle, focalisée sur les sciences sociales, portera un double projet de recherche. Elle réalisera une ethnographie de l’activité scientifique d’une base de la péninsule antarctique qui accueillera certains membres de l’équipage durant l’été austral. Son premier objectif sera de comprendre comment “faire de la science” sur un territoire dont c’est à la fois la visée, conformément au Traité sur l’Antarctique et qui est dans le même temps soumis à de fortes contraintes logistiques, internationales, financières ou encore environnementales. « Il existe très peu de travaux sur le quotidien de la science australe, et cette expédition offre une merveilleuse opportunité à cet égard. » justifie la normalienne.
Elle travaillera aussi sur le projet lui-même comme un objet de recherche, en ce qu’il témoigne - à son échelle étudiante - des reconfigurations contemporaines des sciences de terrain : passage des enjeux de découverte à ceux de préservation, médiatisation des expéditions, promotion d’une science “responsable” et “participative”… « Évidemment, faire partie du projet implique en outre de contribuer à son développement et de participer à toutes les facettes du quotidien d’une expédition marine. »
Car chacun, en dépit de sa spécialisation de recherche se doit de toucher un peu à tout. Cette perspective, les membres de l’équipage sont loin de la vivre comme une contrainte, bien au contraire : « cela permet d’être tous au courant de ce qu’il se passe, explique Clément. Idem pour les expériences, nous avons tous à nous apprendre mutuellement. 6 mois en mer c’est long et si jamais l’un d’entre nous ne se sent pas bien, un autre devra pouvoir réaliser son expérience. » Ou comment joindre l’utile à l’agréable.
Transmettre au plus grand nombre
Antarctique 2.0°C comporte également un volet de sensibilisation aux divers enjeux liés au changement climatique en Antarctique avant, pendant et après l’expédition que les normaliens prennent particulièrement à cœur.
Parmi ces initiatives de sensibilisation, les étudiant mettent en place un projet pédagogique majeur, en lien avec les programmes scolaires des niveaux primaire et secondaire. Il vise à sensibiliser un grand nombre d’élèves en France en leur offrant la possibilité de suivre l’expédition à distance. Avant le départ et au retour, différentes facettes de l’expédition permettent aussi de proposer et de déployer dans les classes des ateliers extrêmement variés et adaptés à l’âge de chaque public.
« Des illustrations de différents points des programmes scolaires seront proposés aux enseignants avec des activités interdisciplinaires clé en main pensées pour les élèves. Il y aura notamment la possibilité de travailler en temps réel sur les données de l’expédition, rendues accessibles sur un site dédié, de suivre le journal de bord, d’échanger en visio avec l’équipage », détaille Clément.
« Nous prévoyons des moyens de télécommunication qui nous permettrons d’assurer un contact régulier de qualité. Hors d’Île-de-France, nous travaillons étroitement avec la région Bretagne - en particulier la région lorientaise où le bateau est actuellement en chantier. Nous avons également sollicité nos régions d’origine ainsi que les inspecteurs d’académie afin que le projet puisse trouver un écho à tous les niveaux de l’enseignement primaire et secondaire, récapitule Margot. Au-delà des établissements scolaires, nous avons d’ores et déjà commencé à intervenir dans des structures locales telles que des centres de loisirs. »
Soucieux de permettre au grand public de suivre le projet et ses avancées, les membres de l’expédition prévoient aussi la création de nombreux contenus de vulgarisation interactifs sur l’Antarctique. Série de podcasts, chaîne vidéo, conférences ou ateliers, tournage d’un documentaire pendant l’expédition pour la télévision, les idées ne manquent pas et bénéficieront du savoir-faire de Jamy Gourmaud, présentateur de C’est pas sorcier et parrain du projet... « En 2021, c’est la France qui accueillera la réunion consultative pour ouvrir le bal de la renégociation du traité Antarctique. Nous espérons pouvoir transmettre au plus grand nombre notre intérêt pour ces enjeux, avec une base scientifique permettant de les apprécier au mieux. » insiste Clément.
Outre l’aspect pédagogique strict, Antarctique 2.0°C « s’inscrit aussi dans une démarche de promotion des projets de recherche et de sensibilisation sur le long terme aux initiatives étudiantes en sciences de l’environnement. Pour porter cette ambition nous avons aussi fondé l’association Juste 2.0°C » précise Margot. La mission de l’association sera double : pérenniser d’une part, grâce aux ressources mobilisées pour Antarctique 2.0°C, les possibilités pour des étudiants et étudiantes de monter des projets similaires dans le cadre de leur scolarité, permettre d’autre part de mobiliser des réseaux d’établissements sur des projets pédagogiques d’initiation à la démarche scientifique et aux questions environnementales. Dans le supérieur, Antarctique 2.0°C, en créant de nouveaux liens avec les universités qui hébergent les laboratoires de l’expédition en France et à l’étranger, permet aussi de nouer de nouveaux échanges. »
Un projet collectif formateur et porteur d’engagement
Un projet d’une telle ampleur, passionnant et complexe à mettre en place, nécessite l’engagement et le soutien d’acteurs multiples, comme l’explique Clément qui cumule les casquettes de biogéochimiste et de trésorier du projet : « notre objectif à court terme, est de réussir à partir. Le budget n’est pas encore bouclé, même si nous sommes de plus en plus confiants. »
Comme tous les autres membres de l’équipe, il est très investi dans les démarches à effectuer en amont de l’expédition et a appris sur le tas : levée de fonds, démarches administratives variées, conventions de partenariat… autant d’activités qu’il juge « très formatrices », même si elles lui parurent au début peu évidentes. « Heureusement, dès le départ, nous avons eu le soutien de nos enseignants et de la direction des études des Écoles. À l’ENS-PSL, la Fondation nous a conseillés dans la levée de fonds, l’association des alumnis, l’a-ulm nous soutient aussi… »
« Les ENS accordent une grande liberté à leurs étudiant·es dans la mise en place de tels projets. Cela ne veut pas dire que les choses sont gagnées d’avance, loin de là, mais il est essentiel de bénéficier de la confiance et de l’enthousiasme des équipes d’enseignement, de direction, etc. À cet égard, nous avons beaucoup de chance. » appuie Margot.
Clément est d’ailleurs très positif sur cette expérience de gestion de projet : « on découvre les tenants et les aboutissants. Cela permet de mieux se rendre compte de ce qui nous attend en sortant de l’École. » Il sait aussi la valeur de l’écoute et de l’aide qui leur ont été accordées : « nous avons littéralement eu l’occasion de monter un programme de recherche, patiné par nos sensibilités et répondant, par plusieurs entrées, à une question qui nous paraît essentielle. »
Pour boucler le financement de leur projet, les normaliens viennent de lancer une campagne de financement participatif, accompagnée d’un teaser vidéo pour communiquer à grande échelle sur Antarctique 2.0°C grâce auquel ils espèrent fédérer et impliquer une large communauté autour de leur projet.
« Antarctique 2.0°C compte déjà une vingtaine de laboratoires partenaires impliqués dans l’expédition, en France, au Chili, aux États-Unis et en Australie. Nous avons aussi des parrains et des marraines qui veillent sur nous comme Jamy Gourmaud ou l’aventurier Mike Horn. Les amis des ENS sont impliqués également » précise Clément, reconnaissant de la générosité et du soutien de chacun mais qui sait aussi qu’il faut encore aller chercher le soutien financier d’autres mécènes pour que l’expédition se concrétise.
Aux sponsors potentiels, il rappelle d’ailleurs que le projet est en phase avec l’agenda des Nations Unies puisque janvier 2021 marquera l’entrée dans la décennie des sciences océaniques appliquées au développement durable.
Chercheurs, passeurs de sciences, chargés de projet… et marins
Si les interrogations techniques à bord sont nombreuses (installation du laboratoire, des dispositifs de télécommunications…), qu’en est-il de la vie de marin pour les futurs équipiers ? « J’ai déjà navigué quelques semaines en loisir, et fait plusieurs sorties en mer sur des navires scientifiques, mais je ne suis jamais parti 6 mois sur un bateau » avoue Clément. « Des appréhensions ? Peut-être de ne pas pouvoir contrôler ce qui est le moins prévisible, nous. Nous avons passé de longs mois à imaginer les scénarios-catastrophes qui pourraient porter atteinte à la qualité de nos données, nous mettre en danger, nous laisser bloqués quelque part. Mais j’avoue que ce qui est moins prévisible c’est l’humain. Pour relativiser cette question, nous préférons penser que si notre milieu de vie restera le même, le bateau, les paysages et les escales changeront le quotidien… »
Féru d’art et de culture, Clément admet que certains aspects de la vie parisienne lui manqueront. « Plus de nouveaux spectacles à aller voir, de nouvelles expositions à découvrir, de nouvelles conférences à écouter... mais on aura une bibliothèque à bord ! »
Pour Margot qui a grandi dans les terres des Mauges, une région rurale du sud du Maine-et-Loire, au sein d’une famille de passionnés de la mer, « partir à la voile, qui plus est sur un vieux gréement, c’est un rêve merveilleux » qu’elle ne pensait pas pouvoir réaliser un jour encore moins dans le cadre de sa scolarité. « L’Antarctique fait évidemment rêver, mais je me réjouis surtout de l’expérience du grand large. C’est un certain rapport au temps et à la distance qui se joue dans un tel voyage à la voile. L’éloignement radical que constitue le Continent Blanc permettra d’autant mieux de les appréhender » Ce qu’elle redoute ? « Comme tous les marins, les quarantièmes rugissants, les cinquantièmes hurlants, les soixantièmes déferlants… Plus on s’aventure au Sud, plus les latitudes prennent des noms menaçants ! Le retour également ; reprendre pied après plus de 8 mois “de terrain” intenses va certainement demander du temps. »
Les membres de l’équipe Antarctique 2.0
Clément Astruc-Delor (Géosciences, ENS-PSL)
Margot Legal (Sciences sociales, ENS-PSL)
Baptiste Arnaud (Microbiologie, ENS Paris-Saclay)
Niels Dutrievoz (Glaciologie, Master Géosciences PSL, ENS Paris-Saclay)
Lana Lenourry (Biologie des populations, ENS Paris-Saclay)
Olivier Smith (Sciences de la matières, ENS Lyon) |