Une normalienne intègre le prestigieux corps des ingénieurs de l’armement

Rencontre avec Pauline Galy (S, 2014)

Créé le
5 janvier 2023
Que sont-ils devenus ? À travers une série de portraits, partez à la rencontre d’alumni et d’alumnae de l’ENS-PSL. Étudiante au département de chimie puis doctorante à l’École, Pauline Galy a intégré l’année dernière le prestigieux corps des ingénieurs de l’armement, l’un des quatre grands corps techniques de l’État français.
Rencontre avec une scientifique passionnée, pour qui mettre ses connaissances au service du bien commun a toujours été une évidence.
Pauline Galy
Pauline Galy

En 2021, quelques mois après l’obtention de son doctorat à l’ENS-PSL, Pauline Galy intégrait le prestigieux corps des ingénieurs de l’armement. Une formidable réussite pour cette normalienne spécialisée en chimie. Elle figure parmi les quatre candidats reçus cette année au concours ultra sélectif de ce grand corps technique de l’État, seule voie externe rouverte depuis 2015. Après Benjamin Gallezot (S, 1991), il s’agit de la deuxième normalienne à intégrer le corps.

La chimie, une science humaniste

Amoureuse des sciences « depuis toujours », sensibilisée au bien commun et au service public par « une famille de serviteurs de l’État », Pauline Galy a construit son parcours guidée par une seule envie :  se mettre au service des autres. Après des études secondaires au collège M’Gombani à Mayotte puis au lycée Georges de la Tour à Metz, elle poursuit en classe préparatoire physique, chimie et sciences de l'ingénieur (PCSI) puis PC au lycée Fabert, dans la même ville. Grâce notamment à un « jeune professeur très investi », Pauline Galy découvre et se passionne pour la chimie, qui deviendra son enseignement de spécialité puis le domaine de sa thèse de doctorat. « La chimie est fascinante, car elle permet d’appréhender de très nombreux phénomènes du quotidien grâce à des modèles assez simples », justifie la normalienne. «C’est aussi une science humaniste, qui permet de nourrir et de soigner l’humanité. »

En 2012, Pauline Galy est présélectionnée aux olympiades internationales de chimie. Un moment « déterminant » de son parcours, puisque c’est à cette occasion qu’elle découvre et visite l’ENS. Un établissement qu’elle pensait jusqu’ici inaccessible. « Cet épisode m’a permis de conjurer le sentiment d’autocensure, fréquent chez les étudiants des classes préparatoires de province », témoigne Pauline Galy. Elle n’omet pas non plus de rappeler deux éléments déterminants dans sa volonté de rejoindre l’École : son souhait de pratiquer sa passion des sciences à très haut niveau, mais aussi d’avoir la possibilité d’être financée pour ses études supérieures et ainsi ne pas démarrer sa vie professionnelle avec une dette difficile à rembourser.
Soutenue par des professeurs de sa classe préparatoire, Pauline Galy décide de se présenter au concours d’entrée de l’ENS-PSL. Elle intègre l’établissement à la rentrée 2014. « Cette période de préparation au concours a été particulièrement intense, et je tiens à remercier mes enseignants Monsieur Rota et Madame Pucheu pour leur aide et leur confiance », souligne-t-elle avec gratitude.

« Une liberté unique »

Au cours de sa scolarité, la normalienne se spécialise en chimie, en suivant les enseignements du département de l’École ainsi qu’une licence puis un master à Sorbonne Université (anciennement Université Pierre et Marie Curie). Elle effectue aussi de nombreux stages à l’étranger, notamment à l’Université de Harvard aux États-Unis et au Weizmann Institute en Israël. En parallèle de ses études, Pauline Galy profite de l’effervescence du campus et de son « extraordinaire vie sportive et culturelle ». Elle rejoint tour à tour les clubs d'art oratoire, de danse et d'athlétisme, crée et préside le club de pêche pendant 4 ans. «Toutes ces activités ont été très riches en enseignements et font partie intégrante de ma formation », explique la normalienne. « La présidence du club de pêche par exemple m’a permis de me familiariser avec le monde associatif, tandis que grâce à l’art oratoire et au théâtre, je suis désormais à l’aise pour parler en public. Quant à la pratique sportive, elle est indispensable pour rester en bonne santé physique et mentale », ajoute-t-elle.

De manière générale, Pauline Galy est « ravie » de ses études à l’ENS et loue « la liberté unique » offerte aux étudiantes et étudiants pour suivre les cours et les stages, mais aussi le temps accordé pour « approfondir ses sujets d’études préférés ». Sensible à la disponibilité des enseignants et des chercheurs, elle admet également avoir été « impressionnée par la facilité avec laquelle il était possible de monter divers projets culturels ou scientifiques avec les équipes de l’École. »

Se sentir utile

Forte de ces « belles années » normaliennes, Pauline Galy poursuit son apprentissage de la recherche scientifique par une thèse en physico-chimie des interfaces dans le laboratoire de Damien Baigl, au département de chimie de l’ENS-PSL. Son sujet ? L’effet “tache de café”, un choix pluridisciplinaire à l’interface avec la physique. « C’est un phénomène très courant, qui fonctionne avec tout type de liquide contenant des petites particules et pas uniquement du café », explique Pauline Galy. « Lorsqu’une goutte de ce liquide sèche, un courant s’établit dans la goutte et entraîne les particules vers les bords où elles s’accumulent. À la fin de l’évaporation, on observe la formation d’une tache en forme d’anneau. Ce phénomène pose de nombreux problèmes pour les industriels par exemple pour la création de couches minces ou pour l’impression à jet d’encre. » Pour son doctorat, la normalienne décide d’utiliser ce phénomène à son avantage : elle développe un système permettant de connaître l’état d’oxydation d’une surface ou d’une solution, simplement en y déposant une goutte et observant la forme de la tache obtenue.

Toujours aussi investie dans la vie de l’ENS-PSL pendant son doctorat, Pauline Galy poursuit ses engagement en tant qu’élue, au Conseil d’Administration et au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’établissement, ainsi qu’à l’UMR 8640 Pasteur, au sein du dept. de chimie. « Mes mandats m’ont permis de mieux comprendre les enjeux politiques de la gestion d’un établissement tel que l’ENS et de ceux du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche en général », se souvient-elle. « J’ai pris ce rôle très à cœur et j’espère sincèrement avoir été utile à la communauté normalienne. »

Fidèle à ses convictions, à l’issue de sa thèse, Pauline souhaite « rendre à l’État ce qu’il [lui] a donné », et veut se tourner vers une carrière dans le secteur public. À l’enseignement et à la recherche, la normalienne préfèrera les grands corps de l’État, auxquels elle souhaite apporter « le fruit de [ses] études : une bonne culture scientifique, une capacité de gestion de projet, une force de travail et une certaine créativité. »

Mettre ses connaissances au service de l’État

Après une solide préparation, en parallèle de son doctorat, Pauline Galy intègre par concours le prestigieux corps des ingénieurs de l’armement, l’un des quatre grands corps techniques de l’État français, et le seul à statut militaire. Si les statuts de ce corps stipulent un recrutement majoritaire d’élèves du cycle ingénieur polytechnicien, d’autres voies existent parmi lesquelles un concours sur titres ouvert aux étudiants et étudiantes scientifiques des quatre Écoles normales supérieures et de certaines écoles d’ingénieurs. Mais les places sont chères : un à cinq candidats seulement sont retenus chaque année. « Ce corps m’a immédiatement convaincue par sa dimension technique, les responsabilités importantes offertes tôt aux jeunes ingénieurs, la liberté qui leur est offerte durant leur carrière, les excellentes conditions de travail ainsi que la dimension géopolitique des enjeux abordés », explique Pauline Galy. « La dimension militaire faisait sens pour moi dans la mesure où il explicite un engagement pour notre pays déjà très présent dans mon orientation », ajoute-t-elle.

Haute technologie et coopération européenne

Pauline Galy effectue son premier poste technique dans un centre d’expertise et d’essais de la Direction générale de l’armement (DGA), principal employeur des ingénieurs du corps de l’armement. « La DGA est la branche du Ministère des armées chargée, entre autres, d’équiper les forces de manière souveraine, mais aussi de préparer le futur des technologies de défense et de coopérer avec nos voisins européens », indique la normalienne. « Pour ce faire, nous concevons les nouveaux systèmes de défense main dans la main avec les forces et les industriels, et nous vérifions que le matériel livré correspond bien aux exigences », continue-t-elle. « La DGA est l’une des rares instances publiques à comporter un fort savoir-faire technique dans des domaines variés. »
 
La haute qualification de Pauline Galy est mise au service de la défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique de notre pays. Elle intervient notamment en tant qu’experte en décontamination chimique, dans les dispositifs de défense de la France face à cette menace. Au quotidien, elle travaille à mieux comprendre les processus de contamination d’un produit chimique sur un matériau, mais aussi à évaluer des systèmes industriels de décontamination. « Je trouve ce métier incroyable, car il comporte à la fois des interrogations fondamentales de chimie et de physico-chimie, mais également une forte dimension concrète », s’enthousiasme l’ingénieure. « J’aime aussi le fait de pouvoir dialoguer à la fois avec les forces, les industriels et nos homologues de pays alliés. Je me sens très utile. »

Les sciences, indispensables pour appréhender les grands enjeux contemporains

En 2021, le corps de l’armement dont fait aujourd’hui partie Pauline Galy, était composé de 85 % d’hommes et de 15 % de femmes pour les ingénieurs de moins de quarante ans (1). « Ce corps, comme de nombreuses branches militaires ou comme d’autres grands corps de la fonction publique, comporte une assez faible proportion de femmes », constate-t-elle. «Cela m’attriste car je suis bien consciente des difficultés que connaissent les femmes pour intégrer ces milieux. Je pense que beaucoup de travail reste à accomplir dans le système éducatif comme dans le reste de la société afin d’y remédier. »

Pauline Galy espère que son parcours et son témoignage inciteront d’autres étudiantes et étudiants « à intégrer des postes à responsabilités, en particulier au sein de la haute fonction publique ». Car pour la normalienne, les sciences sont «indispensables afin d’appréhender objectivement les enjeux vitaux qui nous guettent », ceux du changement climatique, de la dépollution de l’environnement ou encore des maladies émergentes. Elle est convaincue « que l’État a plus que jamais besoin de normaliennes et de normaliens avec une excellente culture scientifique, mais aussi une certaine humilité acquise grâce à la formation par et pour la recherche, qui permet d’appréhender la réalité avec objectivité ».

Et à celles et ceux qui souhaiteraient intégrer comme elle le corps des ingénieurs de l’armement, Pauline Galy conseille de ne pas hésiter à frapper aux portes  : « dans les grands corps, les échanges sont toujours ouverts, surtout aux normaliens, et de ces rencontres sont souvent venus les meilleurs conseils de préparation pour les concours », conclut-elle.

 

(1)     Source : archives du site web de Polytechnique, 2021.

 

À propos du concours externe sur titre de recrutement pour le corps des ingénieurs de l’armement

 

Outre le recrutement en sortie d’école Polytechnique (école sous tutelle de la Direction générale de l’armement) ou sur concours interne, le corps des ingénieurs de l’armement (IA) s’intègre aussi par un concours externe sur titres. Ce concours a été ouvert depuis au moins 1913 jusqu’en 2008 inclus, avant de rouvrir en 2015.
Depuis, il est ouvert aux étudiants diplômés en sciences des 4 Écoles normales françaises (ENS-PSL, Lyon, Paris-Saclay et Rennes), ainsi qu’aux diplômés d’un certain nombre d’écoles d’ingénieurs (Centrale-Supélec, ISAé-Supaéro, Mines, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, Telecom, ENSTA Paris) jusqu’à leur année des 27 ans incluse. En 2023, 5 places sont ouvertes via cette voie d’accès.
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