Actualité Critique : Relations humain/animal

Séminaire pluridisciplinaire 2022-2023 / Premier semestre

Un séminaire commun à toutes les disciplines de l’ENS, qui sont mobilisées autour de questions partagées, définies et discutées collectivement. C’est un moment de rencontre sur l’actualité ouvert à tous, consacré à ce qui se produit en France, en Europe et dans le monde, et qui d’une manière ou d’une autre s’impose à tous les esprits comme d’une importance critique.
Trois têtes d'hommes en relation avec le chat-huant  Le Brun Charles (1619-1690) Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre).jpg
Illustration d'après Trois têtes d'hommes en relation avec le chat-huant | Le Brun Charles (1619-1690) Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre)

Pour la rentrée 2022, le séminaire Actualité critique aura pour thème les relations humain/animal.

Les relations humain-animal sont au cœur de l’actualité nationale, européenne et internationale, et tout particulièrement celles qui engagent un rapport à grande échelle, non individualisé, aux bêtes. Qu’il s’agisse du bien-être animal, de l’expérimentation animale ou de la prise en compte de la souffrance animale, ou encore des zoonoses et de la crise de la biodiversité, nous sommes de plus en plus fréquemment amenés à nous questionner sur nos pratiques collectives, complexes et paradoxales.

Comme nombre de pays, la France privilégie l’élevage intensif et abat chaque année près d’un milliard d’animaux d’élevage. Une grande partie des Français considère qu’il s’agit d’un enjeu majeur. Le gouvernement actuel s’est engagé à la nomination d’un « référent bien-être animal » ayant reçu une formation obligatoire à ces enjeux au sein de chaque élevage.

Faut-il aller plus loin et créer – comme certains le souhaitent – un ministère de la condition animale dédié au bien-être animal ? Comment mettre en œuvre une évolution de nos modes de consommation et de production ?

Une initiative citoyenne européenne pour l’arrêt de l’expérimentation animale soutenue par plus d’un million de signatures a récemment abouti à un vote du parlement Européen à la quasi-unanimité en faveur d’un arrêt à terme de l’expérimentation animale. Il existerait donc « des principes scientifiques solides qui invalident le modèle animal pour prédire la réponse humaine ».Comment ce débat est-il mené ? Sur quelles bases scientifiques s’appuie le Parlement européen ? Sommes-nous déjà en mesure de remplacer l’ensemble de l’expérimentation animale par des modèles in vitro et in silico ? Dans le cas contraire, quelles sont les conséquences à envisager, et sur quelles approches philosophiques et politiques fonder les décisions ?

Débats autour des causes du Covid-19, variole du singe… L’hypothèse de zoonose, à savoir la transmission d’un pathogène animal vers l’homme, alerte et inquiète. Plus avant, l’importance croissante des zoonoses – qui ont accompagné l’humain dans sa très longue histoire – relance un débat tout aussi profond qui dépasse le champ de l’épidémiologie et de la santé : y a-t-il « une bonne distance » entre l’humain et l’animal ? Ou faut-il envisager des réponses adaptées à des situations sociales et écologiques différentes, incluant des relations plurielles avec des espèces extrêmement variées.

Les cinq séances publiques suivantes sont organisées en collaboration avec la Bibliothèque des Lettres et Sciences Humaines, la Bibliothèque Mathématiques et Informatique de l'ENS ainsi que le Centre d’Archives en Philosophie, Histoire et Édition des Sciences (UAR 3610 CNRS PSL).

Séance à venir

  • 15 décembre, Bibliothèques Lettres/SHS, 45 rue d'Ulm, 18h-20h

Loup, y es-tu ? Les enjeux du retour du loup en France.

Depuis 1992 et son retour en France, le loup ne cesse d’attiser les passions. Les dégâts causés aux élevages, en particulier dans les alpages, ont conduit à la mise en place d’une politique publique de gestion du loup fondée sur un abattage d’environ 20% de la population chaque année. « Pro-loup » et « anti-loup » s’affrontent au cœur du débat public, sur les plateaux de télévision et jusqu’aux portes des préfectures. La querelle est d’autant plus vive que nos représentations de Canis Lupus se fondent dans la mémoire nationale la plus ancienne, du Petit Chaperon rouge de Charles Perrault à la Bête du Gévaudan. Sujet d’histoire et d’actualité, sujet de culture et de politique, le loup aux mille facettes de cesse pas de nous surprendre. En évitant les positionnements radicaux « pour » ou « contre » le loup, nous interrogerons les enjeux posés par la présence de plus en plus marquée du loup en France, et nous nous intéresserons aussi à la manière dont le retour du loup réinterroge le rapport de l’homme au sauvage.

Intervenants :
Jean-Marc Moriceau (ENS 1976), professeur d’histoire moderne à l’Université de Caen, spécialiste d’histoire rurale, auteur de nombreux ouvrages de référence sur le loup
Jean-Marc Landry, biologiste et éthologue spécialiste du loup, homme de terrain, fondateur de l’Institut pour la promotion et la recherche sur les animaux de protection (IPRA)

Organisateurs : Amaury Coulomb et Amaury de Coudenhove

 


Séances passées

  • 17 novembre, Bibliothèques Lettres/SHS, 45 rue d'Ulm, 18h-20h

De la viande à l’animal. Perspectives sur nos alimentations carnée et végétarienne

Présente dans le débat public et parfois même polémique, la question végétarienne travaille le corps social selon des lignes de front renouvelant les clivages politiques traditionnels. Et pour cause : l’alimentation met autant en jeu l’intime des comportements individuels, la cohésion permise par des repas partagés structurant le lien social et la relation que notre société entretient au vivant.
En partant de l’analyse des oppositions médiatiques entre ONG végétariennes et lobbies alimentaires, nous proposons d’interroger notre rapport à la viande, aux animaux. Les questions sont nombreuses, les disciplines à convoquer tout autant. L’homme peut-il se passer de viande ? Peut-on tuer dans la dignité ? Comment s’opère la transformation, aussi bien symbolique qu’industrielle, de l’animal en viande ? Quels en sont les ressorts philosophiques et politiques ? Comment et autour de quelles valeurs les mouvements végétariens se sont-ils structurés ? Quels sont les motivations diverses et les obstacles à une transition vers des régimes végétariens ou moins carnés ? Enfin, quels sont les nouveaux enjeux posés par les innovations techniques telles que la viande in vitro ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous serons accompagné.e.s de :

Florence Burgat, anthropologue et philosophe de la condition animale, directrice de recherche à l’INRAE, affectée aux Archives Husserl de Paris;
Olivier Lepiller, sociologue de l’alimentation, chercheur au CIRAD, enseignant des universités de Toulouse et Montpellier;
Alexandra Hondermarck, doctorante en sociologie historique au CSO de Science Po

Organisateurs :
Matthieu Duprat, Département Littératures et Langage
Loïc Marzec, Département de Biologie

 

  • 24 novembre, Bibliothèques Lettres/SHS, 45 rue d'Ulm, 18h-20h

Pourquoi sommes-nous spécistes ? Comprendre les hiérarchisations inter-espèces.

Pourquoi cajolons-nous des chiens alors que nous mangeons des cochons ? Pourquoi accueillons-nous des chats dans nos foyers quand nous disséquons des souris dans les laboratoires ? Et pourquoi l’inverse nous semblerait-il probablement cruel ? Bien que provocatrices, ces questions soulignent combien sont différents les rapports que nous entretenons avec les espèces. L’humain semble ainsi non seulement se distinguer des autres animaux mais aussi les classer selon des hiérarchies dont on peut interroger les critères et les fondements. L’avènement d’une société occidentale industrielle au 19e siècle a réorganisé nos relations quotidiennes avec le reste du monde vivant et a provoqué un changement des sensibilités vis-à-vis des autres animaux, aussi bien dans les villes que dans les campagnes.
Nous allons tenter d’éclairer les fondements historiques, anthropologiques et philosophiques de nos relations hétérogènes aux autres animaux avec l’aide de :
Marie-Claude Marsolier-Kergoat, éco-anthropologue et autrice de Le Mépris des
Bêtes, 2020
Damien Baldin, historien et auteur de Histoire des animaux domestiques, 2014
Paul Egré, professeur de philosophie à l’ENS et directeur de recherche au CNRS

Organisateurs :
Ombeline Brouillaud, Département des Arts
Elodie Cuvillier, Département de Biologie
Charlotte Heyner, Département des Littératures et Langage
Marie-Stella Vivant, Département des Arts

 

  • 1er décembre, Bibliothèques Lettres/SHS, 45 rue d'Ulm, 18h-20h

Protecteurs ou prédateurs ? Les hommes face à l’enjeu de la protection des animaux

Octobre 2020 : la proposition de loi portée par Cédric Villani contre la souffrance animale échoue. Ce projet reprenait le Référendum des animaux rédigé par une quarantaine d’associations et s’attaquait tant à l’élevage qu’à la chasse ou aux spectacles d’animaux. Alors que 95% des Français se disent sensibles à la notion de bien-être animal, comment expliquer la résistance persistante des mondes politique et législatif à cet égard ? Et dans le cas où la législation est effectivement créée ou modifiée en faveur des intérêts des animaux, s’agit-il de décisions purement éthiques ou bien d’autres intérêts se cachent-ils derrière ? Au cours de cette conférence, nous interrogerons les motivations officielles (et officieuses) des décisionnaires politiques en matière de protection animale: sur quoi fondent-ils (scientifiquement, éthiquement, économiquement, juridiquement…) leurs mesures ?
Avec

  • Romain Espinosa, économiste au CNRS rattaché au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED) et auteur de Comment sauver les animaux ? Une économie de la condition animale (2021)
  • Alice Di Concetto, juriste spécialisée en droit de l’animal, membre de la fédération des associations de protection animale à Bruxelles (Eurogroup for Animals)

Organisation : Emma Osswald, Mathilde Poquillon, Valentine Eliet

 

  • 8 décembre, Bibliothèques Lettres/SHS, 45 rue d'Ulm, 18h-20h : Mâle alpha ? De la biologie au masculinisme : Itinéraire d’une notion controversée

Résumé :
Comment devenir un mâle alpha ? C’est à cette drôle de question que promettent de répondre de nombreux coachs en séduction, séducteurs de rue et autres pick-up artists à l’audience de plus en plus large sur Internet. Le mâle alpha, c’est le leader charismatique, le séducteur chevronné, l’homme que tous les hommes rêveraient d’être, couronné de succès dans sa vie professionnelle et sentimentale. C’est du moins le sens que la notion de « mâle alpha » a pris depuis qu’elle a fait son apparition dans les discours masculinistes contemporains. Si celle-ci prend sa source dans le champ de la biologie comportementale à la fin des années 1940 — il s’agissait de décrire les dynamiques hiérarchiques au sein des meutes de loups —, aucune étude scientifique ne soutient pourtant l’existence de mâles alpha chez l’être humain, d’autant que cette notion est aujourd’hui remise en cause pour de nombreuses autres espèces.
Au prisme d’un dialogue entre sciences naturelles et sciences humaines, cette séance sera l’occasion de s’interroger sur ce paradoxe : pourquoi la notion de « mâle alpha », notion d’origine scientifique, connaît-elle un tel succès au sein de milieux non-scientifiques ? De ses origines dans l’histoire des sciences à sa réappropriation par le masculinisme, on retracera l’itinéraire et les glissements sémantiques de la notion de « mâle alpha », afin d’en mieux comprendre les soubassements idéologiques. Quelles sont ses origines et sa portée scientifiques ? Quels sont les éventuels biais qui ont pu intervenir dans son élaboration ? Comment les discours masculinistes l’ont-ils « resémantisée » ? Par quelle vision des relations hommes-femmes ces discours sont-ils sous-tendus ? Quels types de masculinités tentent-ils de produire et de légitimer ?

Pour animer ce dialogue interdisciplinaire et tenter d’apporter un point de vue critique sur la notion de « mâle alpha », nous recevrons :

  • Mélanie Gourarier : Anthropologue du genre et des sexualités, chargée de recherche au CNRS, autrice de Alpha mâle : Séduire les femmes pour s’apprécier entre hommes (Paris : Seuil, 2017).
  • Thierry Bodessa : Docteur en médecine vétérinaire, vétérinaire comportementaliste, animateur de télévision, auteur de plusieurs guides sur l’éducation des animaux de compagnie.

Organisé par :
• Ulysse Benvegnen (Biologie 1A)
• Valentin Brochet (Biologie 3A)
• Samuel Solé (Arts 3A

À propos d'Actualité critique

L'actualité n’est pas seulement critique en elle-même : quil s’agisse d’un événement politique, d’une œuvre d’art ou d’une découverte scientifique, l’actualité exige aussi une critique, qui examine les mots ou les images qui nous la présentent (comme « actuelle »), qui en discute les enjeux, qui mobilise autour d’eux plus d’un savoir ou d’un regard, d’une discipline ou d’un point de vue, et qui se donne le temps, malgré l’urgence, de la penser. Les savoirs, la recherche nous permettent cette mise en perspective.

Tel est le but de ce séminaire : mobiliser les savoirs, s’appuyer sur la recherche, pour nous donner les moyens de penser cette actualité entre urgence et recul.

Les jeudis d’Actualité Critique sont organisés et animés par un groupe d’élèves, chargés de prévoir un programme semestriel de thèmes abordés (bien sûr modifiable, au fil de l’eau, en fonction de l’actualité du moment). Ils alternent des séances « ouvertes », pour lesquelles une ou plusieurs chercheuses et chercheurs sont invité(e)s à intervenir en public sur le thème, et des séances « fermées », où l’équipe organisatrice et les étudiants inscrits travaillent ensemble à préparer, à partir de lectures intensives et d’un débat serré, la séance ouverte.

Mis à jour le 12/12/2022