Écologie et classes sociales

Journées d'étude

Ces journées d'étude exploreront la condition écologique des différentes classes sociales. Elles feront un état des lieux des enquêtes qui examinent l'articulation des rapports de domination aux inégalités écologiques.
 
Avec l'aggravation des dégâts environnementaux se rejouent en effet des luttes de classement relatives à l'échelle des savoirs, au prestige des métiers, aux usages (dé)valorisés de la nature et aux profits de distinction attachés à certains cadres et modes de vie. Au-delà, c'est la question de la distribution très inégale des chances de reproduction et des perspectives de vie d'une classe sociale à l'autre qui est posée.
Ecologies et sciences sociales

Découvrez le programme des journées d'étude « Écologies et sciences sociales : stratégies de reproduction, modes de domination, conditions écologiques d'existence »

Quatre questions à Johanna Siméant-Gernanos autour de l'écologie et des classes sociales.

► Pourquoi la question environnementale mérite-t-elle d'être pensée au prisme des rapports de classes ?

Le mouvement des Gilets jaunes a mis en lumière la façon dont certaines politiques se revendiquant de la défense de l’environnement, si elles ne sont pas pensées au prisme des rapports de classe et des couts inégaux qu’elles font peser sur les populations, peuvent être vécues comme injustes et inégalitaires. Rien ne permet pourtant d’affirmer que les classes populaires ne sont pas touchées par les atteintes à l’environnement : au contraire, comme l’ont montré les travaux sur les inégalités sociales de santé ou sur l’alimentation, elles sont par exemple plus affectées que les autres par la pollution de l’air, de l’eau, ou la difficulté à accéder sans surcoût à une alimentation sans OGM, nitrates ou pesticides.

► Comment explique-t-on que l'engagement écologiste ne reflète pas la diversité de la population ?

Les travaux consacrés au militantisme ou au vote écologiste soulignent en effet la prégnance d’un militantisme urbain de CSP très diplômées. Sous certains aspects, ce militantisme, et notamment celui des petits gestes quotidiens, n’est pas sans revêtir des formes de mise en scène de sa propre exemplarité morale… Pourtant, même un outil individualisé comme celui de la mesure de l’empreinte carbone confirme que les individus des classes populaires contribuent moins au réchauffement climatique que ceux des classes moyennes et supérieures. On peut comprendre, de ce fait, la réticence de nombre de membres des classes populaires à accepter un récit venu d’en haut et qui prétend régir un peu plus leur quotidien. De plus, et sans qu’il s’agisse à l’inverse de mythifier une écologie populaire qui est souvent le reflet de conditions matérielles d’existence marquées par le manque, il existe toute une gamme de pratiques populaires qui témoignent aussi d’une frugalité ordinaire et d’une sensibilité à ces questions.

► Comment les enjeux environnementaux peuvent-ils conduire à bousculer les hiérarchies sociales ?

Les bousculent-ils ou les renforcent-ils ? Le changement climatique affecte très différemment les chances de vie et les trajectoires sociales des individus : tout le monde ne peut pas s’offrir un bunker ou envisager son repli dans des milieux moins hostiles en cas de dégradation accélérée des conditions climatiques…

► Selon vous, comment faire émerger, selon les mots de Bruno Latour, une classe écologique ?

C’est une question politique plus que scientifique. Si l’on prend cette question politique au sérieux, le risque serait qu’en négligeant les coûts inégaux de la lutte contre le changement climatique, et la capacité inégale des groupes sociaux à y faire face (ou à jouer cavalier seul), l’on n’échoue, précisément, à constituer les alliances sans lesquelles cette mobilisation conjuguera inefficacité, coercition à géométrie variable et moralisation des classes populaires.

 

Mis à jour le 22/5/2023