Référence et existence : le cas de la fiction

Conférence de François Récanati dans le cadre du Séminaire « Le langage en pratique(s) : de l’épistémologie à la politique »

Conférence de François Recanati (Collège de France) sur « le cas de la fiction » , dans le cadre du séminaire  « Le langage en pratique(s) : de l’épistémologie à la politique » organisé par la République des Savoirs.
François Recanati
François Recanati © Patrick Imbert / Collège de France

Les personnages de fiction n'existent pas, mais cela n'empêche pas d'en parler ou d'y penser. Cela signifie-t-il qu'on peut faire référence à quelque chose qui n'existe pas ? Pas forcément : on peut maintenir que la référence implique l'existence, et rendre compte du discours fictionnel en soutenant que l'acte de référence y est tout autant fictif que l'entité qu'il vise. Le discours métafictionnel, cependant, se prête à un autre type d'analyse, également compatible avec l'idée que la référence implique l'existence. Selon cette analyse, les personnages de fiction ne sont pas seulement des entités fictives dont on fait comme si elles existaient : ce sont aussi, en tant que créations culturelles, des choses qui existent réellement, et auxquelles on peut légitimement faire référence.

Biographie de François Recanati

Spécialiste de philosophie analytique, François Recanati occupe depuis décembre 2019 la chaire de philosophie du langage et de l'esprit au Collège de France. Spécialiste de philosophie analytique, François Recanati est agrégé de philosophie (1974), docteur de 3e cycle (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1978), et docteur ès-lettres (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1990). Après un post-doctorat à l’Université d’Oxford, il entre au CNRS en 1979, où il fait toute sa carrière. En tant que chercheur au CNRS, François Recanati a assumé de nombreuses responsabilités dont la direction de l’Institut Jean-Nicod, centre de recherche associé à l’ENS et l’EHESS, entre 2010 et 2018. À cela s'ajoute  la fonction d'enseignant à l’EHESS depuis 1975, en sciences du langage puis en sciences cognitives. Directeur d’études cumulant à l’EHESS, il a enseigné aussi dans de nombreuses universités étrangères dont Berkeley, Genève, Harvard et St Andrews. De 1990 à 1993, il a été président de la Société européenne de philosophie analytique. Outre son élection au Collège de France, il a reçu plusieurs distinctions récentes : élection à l’American Academy of Arts and Sciences, doctorat honoris causa de l’université de Stockholm, médaille d’argent du CNRS, élection à l’Academia Europaea. Parmi ses ouvrages les plus importants, nous pouvons citer Meaning and Force (Cambridge University Press, 1987), Literal Meaning (Cambridge University Press, 2004), Philosophie du langage (et de l'esprit) (Gallimard 2008), Truth-Conditional Pragmatics (Oxford University Press, 2010) et Mental Files (Oxford University Press, 2012).

À propos du Séminaire « Le langage en pratique(s) : de l’épistémologie à la politique »

Indissociable de l’exercice de la pensée rationnelle, le langage est aussi, et peut-être d’abord, une pratique sociale partagée. Considérer le langage à l’aune des pratiques qu’il rend possibles, c’est non seulement en réviser la conception plus traditionnelle d’auxiliaire de la raison, mais reposer également à nouveaux frais un certain nombre de problèmes philosophiques.
Si le sens d’un énoncé semble à première vue relever de l’analyse sémantique, l’y réduire serait négliger les multiples modalités de son énonciation, qui troublent son univocité apparente et invitent à dépasser son seul caractère descriptif pour mieux saisir la diversité de ses effets pragmatiques. La vérité d’un énoncé ne peut elle-même être saisie adéquatement sans replacer le langage, envisagé comme discours, dans le contexte de ses usages.
Loin de se réduire à n’être que le miroir d’une réalité à laquelle il lui reviendrait de correspondre ou le médium d’un échange discursif détaché des modalités pratiques de son exercice, le langage est aussi, dans son effectivité quotidienne, ce par quoi et dans quoi nous formons nos jugements et faisons advenir le réel dont il trace les contours. En informant les pratiques, le langage peut revêtir une dimension politique et acquérir par là un pouvoir transformateur sur nos existences.
De l’épistémologie à la politique, en passant par l’ontologie, l’éthique ou l’esthétique, ce séminaire cherchera à cerner, dans leur pluralité, les enjeux philosophiques soulevés par le langage et les reconfigurations qu’implique le fait de le considérer sous l’angle privilégié de la pratique.

 

Mis à jour le 28/11/2022