« J’ai toujours voulu comprendre le monde qui nous entoure »

Diplômée de l’ENS en 2022, Valentina Richard Romei est actuellement en première année de thèse à l’Institut de Planétologie et d'Astrophysique de Grenoble (IPAG).

 

Son leitmotiv ? Comprendre le monde qui l’entoure. Une quête sans fin, admet-elle volontiers, mais qui loin de la décourager stimule sa curiosité et nourrit avec force son engagement pour les autres et la planète.

Valentina Richard Romei
Valentina Richard Romei

« J’ai toujours été intriguée par l'infiniment petit et l'infiniment grand », explique Valentina Richard Romei, aujourd’hui doctorante à l’Institut de Planétologie et d'Astrophysique de Grenoble. « En physique des particules et en astrophysique, les échelles qui entrent en jeu sont si intangibles pour l’être humain que ces domaines en demeurent d’autant plus mystérieux », ajoute-t-elle. « C’est ici que s’exprime pleinement la puissance des théories mathématiques et physiques, nous permettant d’accroître notre connaissance de l’Univers dans lequel on évolue. »  

Des classes préparatoires aux bancs de l’université

Diplômée de l’ENS-PSL en physique, en 2022, Valentina est née à Madrid d’une mère italienne et d’un père français. Arrivée en France à l’âge de 10 ans, elle passera un bac scientifique option mathématiques au Lycée François Magendie de Bordeaux. Passionnée par la physique, les maths, mais aussi par les sciences politiques, les langues étrangères et la musique, elle s’oriente finalement vers une classe préparatoire physique, chimie et sciences de l'ingénieur (PCSI). « Mais l’enseignement extrêmement encadré des classes prépas ne me convenait pas », confie Valentina. Elle change alors de voie et décide « très vite » de rejoindre un cursus universitaire à l’Université Paris Cité, avant d'intégrer en 2e année la double licence mathématiques-physique de Sorbonne Université. « Je voulais poursuivre l’apprentissage de ces deux matières, à mon sens intrinsèquement liées », justifie-t-elle.

Savoir s’écouter

Lorsque se présente l’opportunité de partir en Erasmus, Valentina optera pour un semestre à l’Université d'Edimbourg, au cours duquel elle étudie la physique et les bases de l’allemand. En parallèle, l’étudiante prépare le concours de l’ENS : « je savais que son département de physique offrait une formation pointue et variée, tout en ouvrant de nombreuses portes sur les laboratoires de recherche français et internationaux », explique-t-elle. Au-delà, c’est aussi « l’offre de cours transversaux et la pluridisciplinarité de l’École » qui ont également attiré Valentina. « L’ENS m’a toujours été présentée comme le temple français du savoir et de la connaissance. C’est un lieu de culture et de réflexion majeur à Paris ». Un symbole fort pour Valentina, curieuse de tout, qui prend autant de plaisir à étudier la physique que la poésie.

« Le département de physique de l’ENS offre une formation pointue et variée, tout en ouvrant beaucoup de portes sur les laboratoires de recherche français et internationaux »

L’étudiante intègre l’École normale supérieure - PSL en septembre 2018. « On m’avait fortement recommandé les classes préparatoires pour le concours de l’ENS, mais j’ai senti que ce n’était pas pour moi, alors j’ai suivi un chemin alternatif », justifie-t-elle.                   
Un conseil pour qui voudrait intégrer l’ENS ? « Suivre sa propre voie et ne pas essayer de se conformer à tout prix aux injonctions externes. Et, surtout, soyez passionné et ayez soif de savoirs ! »

S’engager à son échelle

À l’ENS, Valentina souhaite approfondir ses connaissances en physique et profiter de la multitude de cours interdisciplinaires : introduction à la musicologie, changement climatique et société, littérature espagnole… mais aussi « des expositions, des conférences et tables rondes qui animent l’École au quotidien ».
En dehors des cours, l’étudiante s’implique dans l’association MigrENS, qui accompagne des étudiantes et étudiants exilés, et plus largement issus de l’immigration, dans la reprise de leurs études. « Je donnais principalement des cours de français à une jeune femme algérienne, qui était arrivée seule en France pour y étudier », explique Valentina. Soucieuse de l’épauler du mieux qu’elle peut, elle l’aide aussi dans ses longues démarches administratives vers l’obtention d’un titre de séjour et l’autorisation d’étudier. « Je crois en un monde où l’entraide est au cœur des relations sociales, j’essaye d’y contribuer à mon échelle », soutient l’étudiante.

Également préoccupée par les enjeux environnementaux, Valentina s’investit pendant plus d’un an au sein du Projet Goéland. Elle participe notamment à l’élaboration d’un rapport écrit à plusieurs mains, qui propose neuf axes pour décarboner les villes moyennes, « trop souvent négligées au profit des grandes métropoles, alors qu’elles concentrent pourtant 25 % de la population française », appuie Valentina. « Les problématiques environnementales sont prioritaires mais complexes, et les solutions le sont tout autant. Je voulais donc prendre le temps de me former sur ces questions, puis essayer de construire quelque chose de concret, comme ce rapport, que nous avons envoyé à des décideurs locaux et aux citoyens. »
Pour ce projet, Valentina et ses co-rédacteurs se sont basés sur la lecture d’un large spectre d’études, d’interviews des acteurs de la transition écologique, personnel ministériel, acteurs des collectivités territoriales, ou encore des chercheurs experts. « L’objectif était d’identifier les leviers prioritaires, de définir les objectifs associés à l’empreinte carbone, puis de mettre en avant les outils utilisés pour les atteindre, à travers des cas d’études du territoire français », indique Valentina. « La publication du rapport nous a aussi permis de sensibiliser davantage à travers plusieurs médias, comme avec la tribune que nous avons publiée dans Reporterre », ajoute-t-elle.

« Je crois en un monde où l’entraide est au cœur des relations sociales, j’essaye d’y contribuer à mon échelle. »

Bienveillance et ouverture

Au fil de ses années normaliennes, l’étudiante gagne « en technique en maturité et en expérience ». À la cérémonie de remise des diplômes, elle loue sur scène « la confiance unique » que l’ENS accorde à ses étudiants, contribuant à « une incroyable émulation collective, mais aussi à une ouverture et une bienveillance rare ». Pour Valentina, tout questionnement, « aussi chronophage soit-il », est toujours le bienvenu à l’École.

« L’ENS accorde une confiance unique à ses étudiants. »

Elle estime aussi que les parcours « non-linéaires » ne sont pas dévalorisés, « bien au contraire », et que la spécificité de chacun, avec sa personnalité et l’ensemble de ses centres d'intérêt, « est mise à l’honneur ». Un point « important », souligne-t-elle, dans une société « où l’on cherche de plus en plus à catégoriser les individus ».

La science au cœur

Après s’être spécialisée en astrophysique à l’ENS et obtenu un Master en Astrophysique à l’Observatoire de Paris - PSL, Valentina a commencé en septembre un doctorat à l’Institut de Planétologie et d'Astrophysique de Grenoble (IPAG). « L’astrophysique est une discipline extrêmement vaste, on y distingue plusieurs sous-domaines, le mien étant l’astrophysique des hautes énergies. », précise-t-elle. « On y étudie les phénomènes les plus énergétiques de l’Univers, et les objets qu’on appelle ‘compacts’ - comme les naines blanches, les étoiles à neutrons, les trous noirs - impliqués dans ces phénomènes extrêmes », continue-t-elle. « C’est une science par essence au cœur de notre existence, qui nous informe sur l’origine de la vie, de la Terre, des étoiles, de la matière telle qu’on la connaît. »

Le projet de thèse de Valentina : prévoir et décrire les émissions électromagnétiques issues de l’interaction entre des paires d’objets compacts, c’est-à-dire deux étoiles à neutrons ou une étoile à neutron et un trou noir. « Pour cela, je me base sur des modèles théoriques me permettant, via des simulations numériques, de reproduire de tels environnements », détaille-t-elle. Consciente de la dimension « énergivore » de telles recherches, Valentina est très attentive à la question de l’optimisation de l’énergie employée, qui commence à émerger dans son domaine. « Cependant, j’admets que le choix de poursuivre en astrophysique comporte une part d’incohérence avec mes convictions concernant la situation climatique. Je suis en effet convaincue - et de nombreux rapports le montrent - que l’augmentation de l’efficacité énergétique ne suffit plus : il faut faire des choix en termes de sobriété énergétique, par des changements de priorités, de pratiques et de modes de vie », précise-t-elle.
 
Pour la suite, Valentina « ne [se] ferme aucune porte ». Pour le moment, elle envisage de s’orienter vers une carrière de chercheuse, même si elle ne sous-estime pas « les fortes contraintes personnelles des carrières académiques dont on parle peu et qu’il faut bien prendre en compte au moment de faire ses choix. » Quelles que soient les suites, Valentina n’envisage pas poursuivre « sans les sciences, ni sans un engagement politique et social concret. »

 

Mis à jour le 20/4/2023