Félicitations à Alice Marcotte

La jeune chercheuse en nanophysique récompensée par un prix pour les femmes et la science

Alice Marcotte, doctorante au Laboratoire de physique de l'ENS est l’une des lauréates 2021 du prix Jeunes talents France de la Fondation L’Oréal-Unesco, pour les Femmes et la Science. Rencontre avec une chercheuse motivée en particulier par l’impact de la recherche sur l’environnement et la société.
Alice Marcotte © Jean-Charles Caslot – Fondation L’Oréal
Alice Marcotte © Jean-Charles Caslot – Fondation L’Oréal

La spécialité d’Alice Marcotte ? L’infiniment petit. Cette doctorante au Laboratoire de physique de l’ENS se focalise sur les propriétés des écoulements à l’échelle du nanomètre, une unité de longueur comparable à trois molécules d’eau côte à côte.
Elle travaille actuellement sur la physique des écoulements nanofluidiques, très importante pour la conception et l’optimisation de systèmes nanoporeux, visant à la filtration et la purification de l’eau, par exemple.

L’infiniment petit au service de l’environnement

« Étudier les écoulements nanofluidiques permet de mettre à jour de nouvelles propriétés de transport, qui peuvent être utilisées pour optimiser des processus, la filtration de l’eau par exemple, ou la production d’énergie osmotique, c’est-à-dire l’énergie naturelle issue des différences de concentration en sel, notamment dans les estuaires, où les fleuves d’eau douce se jettent dans l’eau salée de la mer », explique Alice Marcotte.
Et comme elle nous le rappelle également, les écoulements nanofluidiques sont universels, en particulier dans nos cellules biologiques, dont les membranes sont munies de très petits canaux transmembranaires, grâce auxquels les cellules échangent des ions et donc de l’information avec le milieu extérieur. « Cette approche fournit ainsi une plateforme très intéressante pour mieux comprendre l’origine de certains mécanismes biologiques. Les étudier dans des systèmes artificiels et parfaitement contrôlés permet d’identifier en conditions simplifiées les éléments de base qui sont déterminants dans certaines fonctions cellulaires. »

Reproduire artificiellement des fonctions biologiques

Dans une approche un peu différente, la nanofluidique permet aussi de concevoir des circuits de modèles artificiels qui reproduisent certaines fonctions biologiques, comme le transport ionique mécaniquement ou électriquement activé, ou encore des effets de mémoire, pouvant être exploités pour fonctionnaliser des cellules artificielles. « D’une façon générale, nous cherchons à déterminer ce qui contrôle le transport d’ions et de fluide aux échelles les plus petites, afin d’agir dessus et d’optimiser les processus de transport », résume la jeune chercheuse.

Pendant sa thèse, Alice Marcotte s’est tout particulièrement intéressée aux propriétés des écoulements à travers des nanotubes de carbone, des cylindres de très petite taille constitués de feuilles d’atomes de carbone enroulées sur elles-mêmes. « Ces canaux sont aujourd’hui connus pour leurs propriétés de transport très étonnantes, dont l’origine est cependant encore mystérieuse. Dans ces canaux, l’eau ne frotte pas mais glisse contre les parois », explique-t-elle. « J’ai montré au cours de ma thèse que cette propriété avait des conséquences surprenantes sur le transport des ions à travers les nanotubes de carbone. Ceux-ci se comportent à la manière des canaux cellulaires dits mécano-sensibles - c’est-à-dire capables de convertir un stimulus mécanique en réponse électrique - impliqués dans beaucoup de nos fonctions biologiques, comme le sens du toucher, la régulation de la pression artérielle… »

Et selon la pression motrice de l’écoulement, les nanotubes de carbone adaptent leur façon de livrer passage aux ions. « Ces canaux sont donc de très bons candidats à la conception de minuscules capteurs de pression, très sensibles et d’une résolution inégalée pour des systèmes artificiels ! » ajoute Alice Marcotte. La chercheuse s’intéresse désormais à l’origine de ce comportement, en étudiant l’interaction entre les électrons libres de se déplacer dans les feuillets de carbone, et les ions contenus dans le fluide se déplaçant à leur surface. Des travaux qui lui ont valu de remporter le prix Jeunes talents France 2021 de la Fondation L’Oréal-Unesco, pour les Femmes et la Science.

Grâce à cette bourse, la doctorante va pouvoir valoriser ses recherches en participant par exemple à des conférences, en France et à l’international. Ce prix va aussi lui permettre de visiter des laboratoires à l’étranger et de rencontrer et d’échanger avec d’autres chercheurs.
« Je suis vraiment très heureuse d’être l’une des lauréates de ce prix », témoigne avec gratitude Alice Marcotte. « Même si j’ai eu l’occasion de rencontrer des chercheuses brillantes et inspirantes au cours de mon parcours, les femmes dans la science sont encore peu représentées », estime la doctorante. « Je pense que des initiatives comme celles menées par la Fondation L’Oréal et l’UNESCO avec leur programme For Women in Science peuvent participer à imposer peu à peu une plus grande diversité. »

Un champ de recherche en plein boom

Une belle reconnaissance pour la jeune chercheuse, passionnée depuis toujours par les sciences. Rémoise d’origine, où elle vit jusqu’à l’obtention de son baccalauréat, elle intègre ensuite une classe préparatoire MPSI/MP au Lycée Louis-le-Grand, à Paris, avant de rejoindre l’École polytechnique. L’étudiante effectue sa deuxième année de master en physique à l’ENS, au Centre International de Physique Fondamentale et de ses interfaces (ICFP). Un choix qui la conduit « naturellement » à s’orienter une thèse en physique, qu’elle choisit d’entreprendre au Laboratoire de physique de l’Ecole normale supérieure. Un établissement « très prestigieux » pour Alice Marcotte, qui rassemble de nombreux chercheurs de renom. « Beaucoup de moyens sont mis à disposition des doctorants, je pense en particulier à la salle Blanche du département de physique ainsi qu’à l’équipe d’ingénieurs de recherche qui y travaillent et apportent une aide précieuse aux doctorants, mais aussi à l’atelier mécanique, qui réalise les pièces dont nous avons besoin pour nos expériences », justifie la jeune chercheuse, très loin de regretter son choix.

La doctorante admet volontiers que la visite du laboratoire de Lydéric Bocquet et d’Alessandro Siria, où elle travaille aujourd’hui, a été déterminante : « j’ai eu l’occasion de rencontrer l’équipe, très dynamique, et d’en apprendre plus sur des sujets de recherche très porteurs. J’avais trouvé leurs travaux en nanofluidique tout simplement passionnants », se rappelle Alice Marcotte. « C’est un champ de la recherche très dynamique, car de très récentes avancées technologiques permettent maintenant de réaliser des expériences impliquant des canaux artificiels extrêmement petits, et ainsi de mettre à jour des phénomènes physiques nouveaux qu’il était jusque-là impossible de détecter et d’observer », explique-t-elle. « C’est aussi un champ intrinsèquement multidisciplinaire, à la frontière de la mécanique des fluides, de la physique statistique, de la matière condensée, de la biologie… » ajoute la jeune chercheuse avec enthousiasme.

Alice Marcotte dans le Laboratoire de physique de l’ENS © Jean-Charles Caslot – Fondation L’Oréal
Alice Marcotte dans le Laboratoire de physique de l’ENS © Jean-Charles Caslot – Fondation L’Oréal

« Chacun dans la recherche peut trouver ce qu’il lui plait »

Les recherches de thèse d’Alice Marcotte pourraient mener à de nombreuses applications bénéfiques pour l’environnement, un enjeu « de taille » pour la doctorante : « la question de la protection de l’environnement soulève beaucoup d’inquiétudes concernant la viabilité de notre modèle de consommation énergétique ou l’accès à l’eau potable. Je suis fière et heureuse de penser que le domaine dans lequel je travaille est susceptible d’apporter des solutions à ces problèmes. »
Même si Alice Marcotte admet que la recherche en laboratoire peut, au quotidien, sembler très en amont de ses applications potentielles, la doctorante estime « très motivant et inspirant » de garder en tête ce à quoi tendent ses travaux de recherche : « nous faisons face à de très nombreux défis, qu’ils soient environnementaux, énergétiques ou biologiques, et ceux-ci offrent un terreau particulièrement riche pour beaucoup de très belles questions de physique fondamentale ou plus appliquée, et relevant de domaines très variés. De manière générale, chacun, dans la recherche, peut trouver ce qui lui plaît ! »

Retrouver après son doctorat « l’état d’esprit positif » de son équipe actuelle de recherche était essentiel. « Ici, la recherche fondamentale n’est pas seulement pensée en terme de physique intrinsèquement belle, mais aussi en terme d’impact sur la société et l’environnement. »

 

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Toutes nos félicitations vont aussi à Sophie Bavard, post-doctorante au département d'études cognitives de l'ENS et également lauréate du prix Jeunes talents France 2021. Un entretien est à lire ici. Bravo également à toutes les lauréates PSL du prix Jeunes talents.