« Les langues façonnent notre vision de la vie et du monde »

Angelina Raffalli, étudiante au département de Littératures et langage, parle pas moins de sept langues, dont l’italien, qu’elle perfectionne en ce moment, en stage à l’Ambassade de France à Rome. Engagée dans la diffusion du savoir et la préservation du patrimoine culturel, elle revient sur son parcours et de son amour des mots.

Angelina Raffalli
Angelina Raffalli

« Français, anglais, espagnol, russe, corse, italien, latin… et le grec ancien, mais j’ai arrêté lors de ma première année à l’ENS, pour des contraintes d’emploi du temps », énumère Angelina Raffalli. Cette normalienne au département Littératures et langage pratique plus d’une demi-douzaine de langues, qu’elles soient étrangères, régionales ou anciennes. « Apprendre une langue, c’est pour moi découvrir un nouveau monde, explique Angelina. Elles façonnent notre vision de la vie et nous ouvrent de nombreuses portes. »

Un point de passage

L’étudiante, aussi loin qu’elle se souvienne, a toujours été attirée par les mots. En classe de quatrième, alors qu’elle traverse une année difficile, sa professeure de français lui prête régulièrement des livres pour la soutenir et l’encourager. « Une personne formidable, qui m’a aussi fait découvrir l’ENS, précise Angelina. Je m’en souviens encore, après un conseil de classe, elle m’a dit de ne pas lire Ultra Léger Motorisé lorsque je serai rue d’Ulm. Je n’ai pas immédiatement compris la plaisanterie, mais j’ai regardé ensuite le site web de l’École, qui m’a paru incroyable. »

Angelina poursuit ses études secondaires au lycée Jeanne d’Arc à Bastia où elle obtient un baccalauréat littéraire. Décidée à intégrer l’École normale supérieure, elle s’oriente vers une classe préparatoire de lettres classiques (A/L), spécialité lettres modernes, au lycée Masséna de Nice. Après trois ans, elle rejoint les bancs de l’ENS au département des sciences de l’Antiquité et valide deux licences en langues et littératures espagnoles et françaises à Sorbonne Université. « Pendant cette période de préparation au concours, je ne me suis pas laissé de sas de décompression, se rappelle l’étudiante. « Or, il ne faut pas s’oublier en chemin et remettre les choses à leur juste place. Le concours d’entrée n’est pas un point d’arrivée, mais de passage. On s’en rend compte lorsqu’on franchit pour la première fois les portes de l’ENS en tant que normalien, et qu’on s’interroge sur ce qui nous attend ensuite. »

 

Le concours d’entrée n’est pas un point d’arrivée, mais de passage. »

Faire ses propres expériences

Les débuts d’Angelina à l’École normale sont une période de découverte. L’étudiante choisit de passer une année blanche, c’est-à-dire scolarisée, mais sans cursus universitaire. Elle doit cependant s'inscrire dans son programme d’études au moins treize enseignements semestriels. Angelina suit des cours de sciences de l’Antiquité, d’espagnol et enseigne le latin dans un collège parisien. « La souplesse de l’ENS peut être parfois déroutante, surtout lorsqu’on est encore hésitant sur son parcours, explique-t-elle. Au départ, j’ai eu des difficultés à m’adapter à ma nouvelle vie parisienne. Mais, l’École permet de faire ses propres expériences. J’ai pu prendre tous les cours que je voulais, j’ai pu enseigner… C’est vraiment une richesse incroyable que de pouvoir taper à toutes les portes, ajoute la normalienne. Il y a eu des passerelles inattendues qui se sont créées, je n’ai eu aucun complexe à tenter des choses improbables. »

Comme Angelina, Helena a rejoint l'École guidée par une passion. Découvrez son parcours

L’année suivante, Angelina bifurque au département de littératures et langage de l’ENS, « beaucoup plus sensible aux lettres modernes que classiques, finalement ». Elle suit en parallèle de ses études à l’École un master de lettres modernes à l’Université Sorbonne Nouvelle et soutient son mémoire, intitulé Vivre en poésie, en 2021. Celui-ci porte sur les enjeux philosophiques de la poésie d’Andrée Chedid. « Il y a chez cette auteure un regard particulier sur le monde. Elle y voit tout l’enlisement, tout le découragement, mais ne s’abat jamais, explique la normalienne. Il y a une telle force de vie dans ses écrits, elle se nourrit des obstacles et trouve là le moteur de l’existence. » Pendant la pandémie, Angelina a trouvé une véritable source de réconfort auprès de l’œuvre d’Andrée Chédid : « elle reconnaît toute la difficulté de la vie, mais aussi l’importance de lui faire face ensemble pour la surmonter. Cela m’a beaucoup aidé à affronter les confinements successifs. »

Donner le goût de la littérature

Également férue de traduction, Angelina Raffalli a séjourné à deux reprises au Collège International des traducteurs littéraires (CITL) à Arles. Après une première résidence consacrée à la traduction du recueil Body Clock de l’Américaine Eleni Sikelianos, elle est revenue en 2021 pour traduire Requiem, un recueil de la poétesse italienne Patrizia Valduga. « L’ENS crée de belles opportunités comme celle-ci. Ces expériences de traduction ont été magiques. J’ai travaillé et partagé mon quotidien avec un petit groupe de personnes très différentes, chacune enthousiaste et brillante à sa manière. »

L’École permet de faire ses propres expériences. J’ai pu prendre tous les cours que je voulais, j’ai pu enseigner… C’est vraiment une richesse incroyable que de pouvoir taper à toutes les portes »

Traductrice, professeur de latin… Très engagée dans la diffusion des savoirs et du patrimoine, Angelina est depuis trois ans chargée de programmation de La Voix d’un texte, une association de l’ENS-PSL qui fait se rencontrer professeurs et comédiens autour de grands textes littéraires. Des acteurs comme Denis Podalydès et Elsa Lepoivre ainsi que des enseignants comme le philologue Michel Zink se sont déjà prêtés au jeu. « Le public est aussi bien étudiant que retraité. C’est important de donner le goût de la littérature à tous, estime la normalienne. D’un point de vue plus personnel, cette expérience a ravivé ma passion pour cette discipline. Quand la littérature devient votre travail, vous n’en profitez plus. J’avais l’impression d’avoir perdu cela en dernière année de classe préparatoire. Le plaisir du texte est capital, et avec La Voix d’un Texte, il n’est plus uniquement ma grille d’analyse. »

« On ne peut pas se priver du rêve ».

Cette année, Angelina l’effectue à l’étranger. Elle a d’abord étudié à l’Université de Sienne, dans le cadre du programme ELAN (European Liberal Arts Network), fondé pour créer une dynamique internationale, interdisciplinaire et novatrice autour des sciences humaines. Elle y a suivi des cours de littérature italienne, de sciences cognitives et de sciences politiques. Depuis mars, elle est en stage au service des relations presse à l’ambassade française de Rome. « Comme les autres étudiants, la pandémie a suspendu beaucoup de mes projets. Mon voyage en Italie m’ouvre de nouvelles perspectives et je suis heureuse de ce stage très formateur, qui est une approche du travail complètement différente de la recherche. »

Enthousiaste, Angelina songe peut-être à basculer vers le secteur de la diplomatie si les prochains mois continuent d’être aussi positifs : « Mon futur professionnel reste une grande question. J’hésite aussi à passer l’agrégation de lettres modernes, ainsi qu’à m’engager dans une thèse », indique la normalienne. Dans tous les cas, Angelina souhaite pouvoir continuer à « cultiver [son] jardin » et trouver du plaisir et de l’équilibre dans la vie. Car comme disait Andrée Chédid, « on ne peut pas se priver du rêve ».

Mis à jour le 23/2/2023